Depuis 2009, 10 gènes de la maladie d’Alzheimer ont été découverts
permettant de mieux comprendre cette affection redoutable. Cependant une
grande part de la susceptibilité individuelle à développer cette
maladie reste encore inconnue. La caractérisation de cette
susceptibilité individuelle portée par notre génome nécessite de pouvoir
comparer l’ADN de malades à celui de personnes non malades pour trouver
quelques centaines de variations de nos gènes au sein d’un ensemble de
plus de 3,5 milliards. Une telle approche nécessite d’analyser les
génomes de milliers d’individus, ce qui ne peut pas être réalisé à
l’échelle d’une équipe ou même d’un pays isolé.
C’est pourquoi en
février 2010, les responsables des quatre plus grands consortiums de
recherche internationaux sur la génétique de la maladie d’Alzheimer ont
décidé d’unir leurs forces pour accélérer la découverte de nouveaux
gènes. En moins de 3 ans, au sein du programme IGAP, les chercheurs ont
réussi à identifier plus de gènes qu’au cours des 20 dernières années.
Ils ont construit leur étude en deux étapes. La première a consisté à
réanalyser selon des critères communs l’ensemble de leurs données déjà
disponibles soit au total plus de 17 000 cas de maladie d’Alzheimer
collectés en Europe et en Amérique du Nord comparés à quelque 37 000
témoins non malades. Grâce aux avancées du séquençage du génome humain
(projet 1 000 Génomes), ils ont pu comparer la répartition de plus de 7
millions de mutations entre ces cas et ces témoins pour n’en retenir
dans cette première étape que 11 632.
Dans une seconde étape, les
chercheurs ont vérifié ces résultats dans des échantillons indépendants
provenant de 11 pays différents et totalisant 8 572 patients et 11 312
témoins. Cela permis de confirmer la découverte de 11 nouveaux gènes en
plus de ceux déjà connus et d’en repérer 13 autres en cours de
validation.Ces 11 nouveaux gènes confirmés permettent d’ouvrir de
nouvelles pistes dans la compréhension de la survenue de maladie
d’Alzheimer. Ainsi une des associations les plus significatives a été
retrouvée dans la région HLA-DRB5/DRB1 du complexe majeur
d’histocompatibilité. Cette découverte est intéressante à plus d’un
titre. Tout d’abord, elle confirme l’implication du système immunitaire
dans la maladie. De plus, cette même région est également retrouvée
associée à deux autres affections neurodégénératives, la sclérose en
plaque et la maladie de Parkinson. Un autre lien a pu être fait avec le
locus SLC24A4 qui code une protéine impliquée dans le développement de
l’iris et dans la variation de la couleur des cheveux et de la peau et
qui est associée au risque d’hypertension artérielle.
Certains de
ces nouveaux gènes viennent confirmer les hypothèses connues sur la
maladie d’Alzheimer, notamment le rôle de la voie amyloïde (SORL1,
CASS4) et de la protéine Tau (CASS4, FERMT2). Le rôle de la réponse
immune et de l’inflammation (HLA-DRB5/DRB1, INPP5D, MEF2C) déjà
impliquées par de précédents travaux issus de l’unité Inserm 744 (CR1 ,
TREM2 ) est renforcé, ainsi que celui de la migration cellulaire
(PTK2B), du transport lipidique et de l’endocytose (SORL1). De nouvelles
hypothèses sont également apparues liées à la fonction synaptique
hippocampique (MEF2C, PTK2B), au cytosquelette et au transport axonal
(CELF1, NME8, CASS4), ainsi qu’aux fonctions cellulaires myéloides et
microgliales (INPP5D).
Cette découverte entraîne pour les
chercheurs trois conséquences principales. Tout d’abord cette
observation permet de mieux comprendre la physiopathologie de la maladie
d’Alzheimer, une étape essentielle pour la découverte de nouveaux
traitements. Par ailleurs, cette analyse du génome a permis de mieux
cerner le profil génétique des patients qui présentent un risque de
développer une maladie d’Alzheimer. Enfin, ce travail démontre que face à
la complexité d’une telle maladie, seul un regroupement des efforts de
recherche au niveau mondial permettra de trouver plus rapidement des
solutions à ce fléau du XXIe siècle.
Ces résultats qui
témoignent des nombreuses avancées dans la compréhension de la maladie
d’Alzheimer ont impliqué les équipes du labex Distalz, et ont pu être
obtenus grâce au soutien de la Fondation Nationale de Coopération
Scientifique sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées
ainsi qu’aux capacités de génotypage et d’analyse du Centre National de
Génotypage du CEA, du Centre d’Etude du Polymorphisme Humain et de
l’Institut Pasteur de Lille.
Le Projet IGAP
En février 2011 les chercheurs des quatre
consortiums les plus en pointe dans la recherche sur la génétique de la
maladie d’Alzheimer se sont associés pour accélérer la découverte et la
cartographie des gènes de la maladie d’Alzheimer. Leurs travaux de
recherche sont menés au sein d’universités européennes et
nord-américaines. Ils associent les connaissances, le personnel et les
ressources de :
- L’European Alzheimer’s Disease Initiative (EADI, initiative
européenne pour la maladie d’Alzheimer) en France, dirigée par Philippe
Amouyel, docteur en médecine et chercheur, Directeur de l’Unité mixte de
recherche Inserm-Institut Pasteur de Lille-Université Lille 2 « Sante
publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au
vieillissement » et du LabEx DISTALZ ;
- L’Alzheimer’s Disease Genetics Consortium (ADGC, consortium
de génétique pour la maladie d’Alzheimer) aux Etats-Unis, dirigé par
Gerard Schellenberg, chercheur, à la faculté de médecine de l’Université
de Pennsylvanie ;
- Le Genetic and Environmental Risk in Alzheimer’s Disease
(GERAD, risque génétique et environnemental dans la maladie d’Alzheimer)
au Royaume-Uni, dirigé par Julie Williams, chercheuse, à l’Université
de Cardiff ;
- Le Cohorts for Heart and Aging Research in Genomic Epidemiology
(CHARGE, cohortes pour le coeur et le vieillissement en épidémiologie
génomique), dirigé par Sudha Seshadri, docteur en médecine, à
l’Université de Boston.