Le Human Brain Project (HBP) a pour but de réunir toutes les
connaissances actuelles sur le cerveau humain afin de le reconstituer,
pièce par pièce, dans des modèles et des simulations informatiques. Ces
modèles ouvriront de nouvelles perspectives dans le but de mieux
comprendre le cerveau et les maladies neurologiques. Il s’agira
également de développer des technologies novatrices dans les domaines
informatiques et robotiques. Ce lundi 28 janvier, la Commission
européenne a apporté son soutien à cette approche en annonçant qu’elle
avait sélectionné le HBP pour être l’un des deux projets financés par
son nouveau programme FET Flagship.
Fédérant plus de 80
Institutions de recherche Européennes et internationales, the Human
Brain Project est prévu pour durer 10 ans (2013-2023). Son coût est
estimé à 1.19 milliard d’euros. Le projet associera également plusieurs
partenaires importants d’Amérique du Nord et du Japon. Il sera coordonné
par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse, par le
neurobiologiste Henry Markram avec comme co-directeurs Karlheinz Meier
de l’Université de Heidelberg, Allemagne, et Richard Frackowiak de la
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) et de l’Université de
Lausanne (UNIL). La France coordonne trois des axes du projet : théorie
des réseaux neuronaux (Alain Destexhe, CNRS), neurosciences cognitives
(Stanislas Dehaene, Collège de France, Inserm, CEA), et aspects éthiques
(Jean-Pierre Changeux, Collège de France, Institut Pasteur).
Dans
sa composante "bottom-up", qui vise à caractériser tous les composants
du cerveau, leur agencement, et leur intégration en circuits
fonctionnels, le projet fait appel massivement au domaine des
neurosciences cellulaires intégratives et computationnelles bien
représentées en France, en particulier dans la région Ile de France
(CNRS-UNIC, ENS, Paris V, Institut Pasteur, INRIA). Dans sa composante «
top-down », le projet cherche à éclaircir les circuits neuronaux à
l’origine des fonctions cognitives, en s’appuyant sur des expériences
sophistiquées en neuropsychologie cognitive et en imagerie cérébrale,
complétées par la modélisation mathématique. La reconnaissance des
objets et des actions, la conscience du corps et de soi, la prise de
décision, la navigation spatiale sont autant de fonctions qui seront
analysées par imagerie cérébrale et reproduites dans des simulations.
Une attention particulièrement sera portée à la question, non résolue,
du propre à l’espèce humaine : langage, symboles, représentation de
l’esprit d’autrui, apparition d’aires nouvelles dans le cortex
préfrontal.
Une cartographie fonctionnelle de haute résolution du
cerveau humain sera menée de concert avec celle des principaux faisceaux
de fibres qui permettent à ces modules de communiquer. Le projet vise
en outre à faire émerger un modèle de l’apparition de ces structures
pendant le développement cérébral. Là aussi la France avec le CEA,
l'Inserm, l’INRIA, le CNRS et les infrastructures de NeuroSpin joueront
un rôle majeur. Les cartes multi-échelles du cerveau inférées de ces
données seront partagées avec la communauté internationale, afin de
développer un référentiel commun pour les recherches sur la structure et
le fonctionnement cérébral.
Sur le plan théorique, l’HBP créera un Institut Européen des
Neurosciences Théoriques (EITN), qui sera localisé en Région Parisienne
en raison de sa forte communauté théorique et mathématique. Cet Institut
a pour but de devenir un carrefour des différents courants théoriques
proposés pour explique la dynamique du cerveau, l’emergence de la
conscience et les processus cognitifs. Il devrait dès la première phase
du projet jouer un rôle important dans la recherche des mécanismes du
codage neuronal en lien étroit avec les données expérimentales et les
simulations numériques, ainsi que dans l'implantation de ces mécanismes
dans les circuits « neuromorphiques » (des puces spécialisées dans la
simulation des neurones et de leurs connexions). La simulation
neuromorphique devrait aboutir à terme à un renforcement entre les
équipes translationnelles du CEA-LETI en France et les infrastructures
allemandes (BrainScales-Heidelberg et Dresde) et anglaises (SpiNNaker)
de HBP.
HBP doit être vu comme un processus continu d’intégration
interdisciplinaire et d'itération, dont la convergence ultime devrait
permettre une compréhension unifiée des mécanismes et des principes de
fonctionnement du cerveau.
La désignation du Human Brain Project
en tant que Fet Flagship est le fruit d’un long travail de préparation
et d’évaluation rigoureuse, mené pendant plus de trois ans par un panel
de scientifiques indépendants, choisis par la Commission européenne.
Dans les mois qui viennent, les différents partenaires négocieront un
accord détaillé avec la Communauté portant sur une première phase de
lancement de deux ans et demi (2013-mi-2016). Le projet débutera à la
fin de l’année 2013.