L’instrument de mesure mis au point par les chercheurs du Caltech et
du CEA-Leti repose sur l’utilisation de nano-composants, des NEMS
(NanoElectroMechanical Systems), capables de détecter la présence de
particules. Le composant, dont la taille représente quelques
millionièmes de mètre, est constitué d’une « poutre » résonante réalisée
en silicium. Quand une particule, ou une molécule, se pose sur le
résonateur, la fréquence de vibration change en fonction de la masse de
la particule. Pour déterminer exactement sa masse il faut également
connaître son emplacement sur la poutre, qui fait varier sa fréquence
d’oscillation. Les chercheurs ont ainsi montré que l’analyse des
changements de fréquence d’oscillation suffisait pour déterminer la
localisation et la masse de la particule.
"Lorsque chaque
particule arrive sur la poutre, nous pouvons mesurer sa masse” explique
Michael Roukes, Professeur à Caltech. "Personne n’a réalisé cela
auparavant.”
Le fonctionnement de ce nouvel outil a été démontré
en pesant une molécule appelée Immunoglobuline M (IgM), qui est un
anticorps produit par les cellules immunitaires dans le sang. En
mesurant les différentes masses des molécules envoyées sur le détecteur,
les chercheurs ont compté et identifié les différents types d’IgM
présents dans l’échantillon étudié. Cette expérience est non seulement
la première analyse d’une molécule biologique au moyen d’un nanosystème
mais également un pas essentiel pour démontrer son intérêt pour des
applications biomédicales. Dans le futur, ces instruments pourraient
permettre d’analyser le système immunitaire de patients ou même
permettre le diagnostic de maladies immunitaires. Par exemple, certaines
répartitions de molécules d’IgM sont la signature caractéristique d’un
certain type de cancer appelé maladie de Waldenström.
[1] Les travaux de recherche ont été financés grâce au soutien du “Kavli Nanoscience Institute” à Caltech, du “National Institutes of Health”, de la “National Science Foundation”, de la “Fondation pour la Recherche et l'Enseignement Superieur”, de la fondation Institut Mérieux, du “Partnership University Fund of the French Embassy to the U.S.A.”, du “NIH Director's Pioneer Award”, du financement des Instituts Carnot par l’Agence Nationale de la Recherche, de la Chaire d'Excellence de la Fondation Nanosciences, ainsi que de l’Union Européenne via une bourse Eurotalent CEA.
A plus long
terme, le détecteur pourrait permettre à des biologistes d’étudier les
mécanismes moléculaires d’une cellule complète. En effet, les
spectromètres de masse, habituellement utilisés, ne permettent pas
l’étude de particules dont la masse est trop importante, comme des
protéines ou des virus. Cette technique peut donc compléter la
spectrométrie, aidant les médecins lors de diagnostics de certaines
maladies, fournissant aux biologistes de nouveaux moyens d’étudier virus
et bactéries ou de sonder la machinerie moléculaire des cellules. "Avec
l’utilisation de procédés issus de la microélectronique, nous sommes
sur la bonne voie pour réaliser de tels instruments” précise Hughes
Metras du CEA-Leti, détaché à Caltech dans le cadre de la coopération.
“Le détecteur pourrait par exemple être utilisé dans des spectromètres
de masse commerciaux afin d’augmenter leur gamme de mesure”.
Ce
résultat est la démonstration que l’Alliance Leti Caltech, initiée en
2006, a créé un environnement favorable à la réalisation d’expériences
scientifiques de premier ordre à l’aide de composants fabriqués
collectivement," précise Laurent Malier, le directeur du CEA-Leti. Issus
de techniques de fabrication utilisées dans la microélectronique, les
composants de cette technologie pourront bénéficier d’une fabrication
collective et à grande échelle. "Ces composants permettront de cibler
des applications industrielles et commerciales grâce à leur faible coût
unitaire et leur fiabilité”.