Vous êtes ici : Accueil > Actualités > L’altermagnétisme au bénéfice de la spintronique

Fait marquant | Résultat scientifique

L’altermagnétisme au bénéfice de la spintronique


​​​​​Des scientifiques de l’Irig [Collaboration] ont montré le caractère altermagnétique du matériau Mn5Si3 à base de manganèse et de silicium. Cette nouvelle propriété permettrait de réaliser des dispositifs spintroniques plus performants car plus rapides et plus denses.​​

Publié le 12 août 2024

Il existe communément deux types de matériaux magnétiques. Les premiers, ferromagnétiques, ont la capacité de s'aimanter sous l'effet d'un champ magnétique extérieur et de garder cette aimantation ; c’est le cas par exemple du fer, cobalt et nickel purs. Ils ont naturellement la capacité de polariser magnétiquement un courant électrique qui le traverse. ​​
​Les seconds, antiferromagnétiques, sont composés de moments magnétiques alternativement opposés et donc l’aimantation résultante est nulle. Ils ne polarisent a priori pas magnétiquement un courant électrique. ​​

Une récente découverte vient de révéler un troisième type de matériaux magnétiques appelés altermagnétiques. Cette nouvelle classe de matériaux est très importante : elle se distingue par la configuration des spins qui lui confère des propriétés propres, comme par exemple la possibilité de polariser magnétiquement un courant électrique, malgré l’absence d’aimantation. ​​

Pour de futures applications, l’altermagnétisme en combinant les avantages du ferromagnétisme (polariser en spin un courant électrique) et de l’antiferromagnétisme (robustesse aux champs magnétiques et réponse aux fréquences THz ultrarapides) permettrait de réaliser des dispositifs spintroniques plus performants, car plus rapides et plus denses. ​​

A ce jour, seuls quatre matériaux altermagnétiques ont été découverts expérimentalement : RuO2, Mn5Si3, MnTe et CrSb. ​​

Les chercheurs de l’Irig [collaboration] se sont intéressés au Mn5Si3 qui possède le caractère altermagnétique du fait du positionnement des moments magnétiques par rapport à ses symétries cristallines (voir figure). De plus, ce matériau a l’avantage d’être composé d’éléments abondants et peu onéreux. ​​

Guidés par des prédictions théoriques et des simulations, les chercheurs ont été les premiers à montrer expérimentalement le caractère altermagnétique du matériau Mn5Si3. Celui-ci a été révélé, d’une part par la présence d’un effet Hall anormal : une propriété magnétorésistive typique des ferromagnétiques car liée à l’existence d’une aimantation, tandis que le Mn5Si3 ne possède pas d’aimantation. Et d’autre part, le rôle des symétries cristallines attendues pour expliquer l’altermagnétisme a également été confirmé. ​​

 

Figure : Structure cristalline et altermagnétique du siliciure de manganèse (Mn5Si3). Imbriqués dans la structure cristalline des atomes de silicium (en vert), les atomes de manganèse (Mn en violet) sont répartis selon un grand hexagone et un petit hexagone au centre. Les chercheurs ont montré que l’altermagnétisme est produit par seulement quatre des six atomes de manganèse centraux formant un ensemble de moments magnétiques colinéaires orientés alternativement dans des directions opposées (flèches rouges et bleues). Les atomes de manganèse sont reliés par symétrie de rotation de par l’anisotropie de leur environnement non-magnétique. © [Collaboration] ​​


Cet article est pionnier dans le domaine, car il présente des résultats expérimentaux obtenus juste un an après la prédiction théorique de l’altermagnétisme. La découverte du caractère original altermagnétique ouvre un nouveau champ d’investigations dans le domaine de la physique des matériaux. Elle suscite grandement l’intérêt de la communauté scientifique, qui espère ainsi exploiter l’altermagnétisme pour des développements innovants. ​​
​​
​Financements
​Projets soutenus par l’ANR : ASTRONICS, MATHEEIAS
Projet soutenu par le CNRS : SPINMAT

Collaboration ​​
  • ​​Spintronique et technologie des composants (SPINTEC) Université Grenoble Alpes - CEA - CNRS, Grenoble France 
  • Centre interdisciplinaire de nanosciences de Marseille (CINaM) Aix-Marseille Université - CNRS, France 
  • Université Johannes-Gutenberg de Mayence, Allemagne 
  • Université technique de Dresde, Allemagne 
  • Université de Constance, Allemagne 
  • Institut de Physique de l’académie des sciences tchèque, République Tchèque Université Charles, République Tchèque.

Un matériau altermagnétique est composé de moments magnétiques orientés dans des directions opposées en alternance, comme s’il s’agissait d’un matériau antiferromagnétique colinéaire. Dépourvu d’aimantation, ce matériau peut néanmoins (sous certaines conditions) polariser un courant électrique qui le traverse. La polarisation est due au décalage des bandes électroniques des spins majoritaires et minoritaires. Les cristaux ferromagnétiques, antiferromagnétiques et altermagnétiques appartiennent à trois sous-groupes de symétries distincts. En effet, contrairement à un antiferromagnétique, les deux sous-réseaux de moments qui composent l'altermagnétique n'ont pas le même environnement électronique de telle sorte qu’ils sont reliés par une symétrie de rotation et non pas par une symétrie de translation ou d’inversion ​​

​L’Effet Hall anormal correspond à l’apparition d’une tension électrique transversalement à une tension électrique et le courant résultant. Cette tension est induite par la présence d’une aimantation dans le matériau, sans appliquer de champ magnétique extérieur comme dans le cas de l’effet Hall conventionnel.

Haut de page