La spintronique s’intéresse au transport du spin pour l’électronique. Dans les métaux, ce transport est supporté par les électrons ; mais dans les isolants magnétiques, le spin est transporté par les quasi-particules appelées magnons. Comparés aux métaux, les isolants magnétiques permettent de mieux conduire le spin car ayant des longueurs caractéristiques de propagation beaucoup plus grandes.
Ce domaine suscite un engouement en raison de l’espoir d’obtenir un puissant accroissement de la conductivité par la formation d’une condensation quantique des magnons, appelée condensation de Bose-Einstein. C’est pourquoi les développeurs aspirent à contrôler et à intensifier les courants de spin dans les isolants magnétiques. En s’inspirant du modèle de diode analogue avec les métaux, les chercheurs de l’Irig estiment qu’une diode de spin qui aurait atteint le régime quantique serait parfaite pour transporter les courants de spin sans friction, par analogie avec un supraconducteur qui transporte le courant électrique sans résistance. Cela permettrait de réaliser des composants non-linéaires plus performants et économes en énergie, comme des amplificateurs ou des redresseurs de signaux micro-ondes.
Une collaboration (CEA-Irig, CEA-Iramis et Laboratoire Albert Fert du CNRS) a étudié le grenat magnétique d’yttrium fer YIG, car c’est un matériau intéressant pour ses caractéristiques non-linéaires de transport de spin nominalement très fortes. Le dispositif est constitué par un film mince de YIG sur lequel sont déposés deux fils adjacents de platine comme émetteur et collecteur de magnons, afin de contrôler électriquement le potentiel chimique des magnons. Alors que les mesures montrent bien une courbe caractéristique courant-tension de type diode, attribuée à l'augmentation non-linéaire de la population des magnons de basse énergie, le gain obtenu reste quant à lui de faible ampleur, de plusieurs ordres de grandeur inférieur à ce qui était espéré (voir
Figure).
Dans un premier article [1] les chercheurs de l’Irig expliquent cette faiblesse par une saturation rapide de la population de magnons de basses énergies qui limite l’effet de diode de spin à un point tel que le matériau YIG ne parvient pas à atteindre un état de concentration infinie des spins. Le matériau en effet se comporte comme un condensat liquide de spin seulement, et ne montre donc pas l’effet quantique espéré de type
condensat de Bose-Einstein.
Un second article [2] publié par les chercheurs de l’Irig explique pourquoi l’effet non linéaire de type diode ne peut être observé que pour de larges distances entre les électrodes. En effet, à courte distance, le transport de spin est dominé par les magnons thermiques de haute énergie qui produisent seulement une réponse linéaire en fonction de la tension appliquée entre les électrodes. Heureusement comme leur influence décroît rapidement avec la distance dès que la séparation entre les électrodes dépasse quelques microns, les magnons de basse énergie parviennent alors à produire l’effet diode de spin.
De plus, ces observations expérimentales sont corroborées par un modèle analytique intégrant les effets des magnons à basse énergie et des magnons thermiques.
Les résultats de ces études montrent qu’il n’est pas possible d’obtenir la formation d'un condensat de type Bose-Einstein dans le matériau YIG. Néanmoins dans des études futures, il serait intéressant de déterminer si le régime de saturation permet d'obtenir un nouvel état condensé, de type liquide.
Condensat de Bose-Einstein : condensés à très basse température, les constituants de la matière se comportent comme s'is occupaient un seul état quantique de plus basse énergie.
Collaboration : Université Grenoble Alpes, Université Paris-Saclay, Université de Nancy et Université de Bretagne Occidentale.