Article co-rédigé par Hélène Béa, enseignante-chercheuse du CEA-Irig, au Laboratoire Spintec (CEA, Université Grenoble-Alpes et CNRS), et membre de l’Institut universitaire de France, et par Charles-Elie Fillion, ex-doctorant du CEA-Irig. L'article a été publié dans la revue
Pour la Science (n°558 - Avril 2024) le 18 mars 2024.
Extrait :
De quoi seront faites les mémoires électroniques de demain ? À l’ère de l’information, nos sociétés sont confrontées à un défi aux enjeux contradictoires : satisfaire la demande croissante en termes de capacité de calculs et de stockage, tout en ayant le souci de la sobriété énergétique. La microélectronique standard, omniprésente dans notre quotidien, souffre malheureusement de certaines limitations, en particulier quand il s’agit de consommation électrique. De nombreuses équipes de recherche explorent de nouveaux concepts pour imaginer des dispositifs qui pallieront les défauts de l’électronique actuelle. Les
skyrmions, des sortes de bulles magnétiques, sont, de ce point de vue, très prometteurs. Les possibilités offertes par ces « quasi-particules » sont multiples et caractérisées par des performances très intéressantes. Depuis leur première observation expérimentale en 2009, les skyrmions sont de mieux en mieux compris et contrôlés, jusqu’à l’échelle du skyrmion individuel. Les verrous technologiques sont levés les uns après les autres, nous rapprochant d’applications concrètes.
Les skyrmions appartiennent à un domaine fertile, la « spintronique », dont le nom est calqué sur celui de l’électronique (qui utilise la charge de l’électron pour stocker l’information sous forme de courant électrique). En spintronique, on exploite le « spin » de l’électron (son moment magnétique propre) en plus de sa charge pour stocker et manipuler l’information. Pour certains matériaux, dits « ferromagnétiques », chaque atome se comporte comme un petit aimant, que l’on appelle aussi « spin » par abus de langage. En d’autres termes, les dispositifs spintroniques sont pour la plupart constitués de matériaux magnétiques, où l’information est enregistrée au travers de leur aimantation. Cela confère de nombreux avantages aux systèmes spintroniques : alors qu’un dispositif électronique proche du cœur de calcul a besoin d’une alimentation électrique permanente pour conserver l’information, le dispositif spintronique n’en a pas besoin, on parle de non-volatilité (un aimant permanent garde son état sans être branché). D’autre part, la manipulation de l’aimantation peut être ultrarapide (de l’ordre de la femtoseconde, 10–15 seconde) et peu gourmande en énergie (pouvant se limiter à quelques attojoules, soit 10-18 joule).
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Photo 1 : contrôle des skyrmions au laboratoire Spintec © 909Productions/CEA
Les textures magnétiques, appelées
skyrmions, suscitent beaucoup d’intérêt car elles pourraient être utilisées en spintronique pour stocker et traiter l’information à l’échelle nanométrique. Dans un matériau multicouche nanométrique, les skyrmions sont des domaines magnétiques circulaires tournant sur eux-mêmes à 360°. Dans cette étude, les skyrmions se forment dans une couche de fer et cobalt, accolée à une couche d’oxyde. Avec un microscope magnéto-optique (à effet Kerr), les propriétés des skyrmions sont orientées en appliquant une tension de grille, par exemple le sens de déplacement. Une des applications concerne le calcul à faible énergie.
Photo 2 : injection du courant © 909Productions/CEA
Photo 3 : observation au microscope magnéto-optique © 909Productions/CEA