Le terme « contrôleur » désigne des patients infectés par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) qui ont naturellement la capacité de maîtriser l’infection sans traitement. Chez ces rares individus, la charge virale est contrôlée par le système immunitaire et reste en dessous du seuil de détection. Les mécanismes précis mis en jeu dans la réponse à l’infection restent actuellement une énigme. Cependant, le rôle joué par les lymphocytes T CD8+ (LTCD8+) semble majeur dans la mise en place de ce contrôle.
L’étude ANRS SIC a été conduite par les équipes des Dr. Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur) et Bruno Vaslin (CEA) et leurs collègues des Universités Paris Descartes et Paul Sabatier Toulouse, de l’Ap-HP et de l’Inserm avec le soutien de l’ANRS et de la fondation MSDAVENIR. Les chercheurs ont reproduit le phénomène d’individus « contrôleurs » chez des macaques infectés par le virus de l’immunodéficience simienne (SIV) pour décrypter les mécanismes sous-tendant le contrôle viral naturel. Trois groupes de macaques ont été comparés :
- deux groupes « contrôleurs », certains animaux recevant une dose virale faible de SIV, les autres possédant des caractéristiques génétiques favorables (Complexe Majeur d’Histocompatibilité)
- un troisième groupe « témoins » dont les individus ne possédaient pas les caractéristiques génétiques favorables et qui ont reçu une forte dose de SIV.
Tous les animaux ont développé une réponse CD8+ contre le SIV dans les jours qui ont suivi l’infection. Cette réponse était dans un premier temps peu efficace, puis, chez les contrôleurs les cellules CD8+ ont acquis au fil des mois une capacité optimale à éliminer les cellules CD4+ infectées. L’acquisition de cette capacité a coïncidé avec le contrôle du virus dans tout l’organisme. Les chercheurs ont par ailleurs observé une quantité moins importante de cellules infectées dans les ganglions des individus contrôleurs 15 jours après l’infection. Ainsi, chez les individus non contrôleurs, le fait qu’il y ait une forte quantité de virus dans les ganglions semble entraver la maturation des LT CD8+. Selon le Dr Asier Sáez-Cirión, « ces résultats nous montrent que le développement d’une réponse CD8+ efficace contre le virus nécessite un processus de maturation de plusieurs semaines qui n’a lieu que chez quelques sujets. Ceci semble dépendre de la préservation précoce de l’environnement des ganglions où se déroule cette maturation. De plus, le développement d’une réponse efficace ne semble pas dépendant des caractéristiques génétiques des individus infectés, ce qui laisse entrevoir la possibilité de l’induire dans la population générale. »
Interaction entre des lymphocytes CD8 de patients contrôleurs (rouge) et un Lymphocyte CD4 infecté (coloration de la protéine gp120 du VIH en vert). (c) Institut Pasteur, Anastassia Mikhailova/Asier Sáez-Cirión. © Institut Pasteur, Anastassia Mikhailova/Asier Sáez-Cirión.
Dans une deuxième étude menée par l’équipe du Dr. Asier Sáez-Cirión et ses collègues de l’Inserm, de l’université Paris Sud et de l’AP-HP avec le soutien de l’ANRS, de l’Union Européenne et du Sidaction dans le cadre de la cohorte ANRS CO21 CODEX, les chercheurs ont décrypté les caractéristiques des LT CD8+ mémoires spécifiques du VIH associés au contrôle de l’infection. En analysant individuellement le profil d’expression génique de plus d’un millier de ces cellules, les chercheurs ont pu confirmer des différences intrinsèques entre les cellules d’individus contrôleurs et non-contrôleurs. Alors que les cellules des patients non-contrôleurs sont programmées pour se multiplier et utilisent le glucose comme source d’énergie rapide, les cellules de patients contrôleurs sont programmées pour survivre, produire rapidement des molécules antivirales et sont capables de mobiliser plusieurs sources d’énergie. Ces caractéristiques les rendent plus adaptables et efficaces, en particulier dans les sites de multiplication virale. «
Ces résultats nous montrent que la réponse CD8+ des individus contrôleurs est due à une programmation différente de leurs Lymphocytes T CD8+ mémoires spécifique du VIH » explique le Dr Asier Sáez-Cirión. «
Cela nous donne des pistes précieuses sur le programme cellulaire qu’il faudrait induire à travers des vaccins ou immuno thérapies afin de reproduire cette réponse chez d’autres sujets. »
Ces travaux sont présentés le 25 juillet lors de la 9ème conférence sur le VIH/Sida (IAS 2017) organisée par l’International Aids Society et l’ANRS, qui se déroule du 23 au 26 juillet 2017, à Paris.