Une simple dent de lait, voilà l'indice, ténu mais solide, de la présence de sapiens dans la grotte Mandrin sur la commune de Malataverne, il y a 54.000 ans. Cette précieuse pièce à conviction a coûté de longs mois de travail aux archéologues, dix mois par dent ! Celle-ci est la 9e découverte, les huit précédentes ayant toutes appartenu à des néandertaliens. Neuf dents, parmi quelque 60.000 objets lithiques et 70.000 restes de cheval, bison ou cerf…
Corroborant la découverte de la dent de lait de sapiens, les scientifiques ont également trouvé à proximité quelque 1.500 pointes taillées, très similaires à celles retrouvées sur un site libanais occupé par sapiens.
Comme il n'était pas permis de prélever un échantillon sur cette dent, des scientifiques britanniques ont daté par le carbone 14 des ossements animaux présents dans la même couche stratigraphique. Le résultat indique plus de 50.000 ans car la teneur en 14C est très faible, la plupart des atomes de 14C ayant disparu par désintégration. Il fallait donc recourir à des méthodes complémentaires et dater les couches adjacentes, afin de mieux circonscrire dans le temps le niveau occupé par les Homo sapiens. Des chercheurs du LSCE ont ainsi daté par thermoluminescence des silex taillés présents dans des couches plus basses que celle de la dent et ont contribué à l'établissement d'une chronologie stratigraphique de l'ensemble de la série étudiée.
Des scientifiques du LSCE ont également étudié les suies déposées dans le passé sur la paroi de l'abri-sous-roche par des feux, lors des occupations humaines du site (fuliginochronologie). Ces minces couches de suie ont été enregistrées dans les encroûtements carbonatés de paroi, formés de doublets annuels de calcite. Elles révèlent qu'un temps très court (~1 an) a séparé la dernière occupation néandertalienne de l'arrivée de sapiens sur le site, ce qui démontre la coexistence des deux espèces sur ce territoire.
Voir le film « Voyage au bout de la suie ».
En savoir plus sur la datation par le carbone 14.