Avant même la formation des atomes et des premières galaxies, l'Univers n'est qu'un plasma composé de protons, d'électrons et de photons. Une masse homogène, dans laquelle commencent à apparaître de légères surdensités. Chacune d'entre elles engendre une onde de compression résultant à la fois de la pression de radiation qui tend à expulser les photons hors d'elle-même et de l'attraction gravitationnelle qu'elle exerce sur les protons. Cette onde de compression (Baryonic Acoustic Oscillations ou BAO) entraîne la formation d'une sorte de « bulle » avec de la matière au centre, qui grossit progressivement.
Ce processus s'interrompt 380.000 ans après le big-bang quand les protons et les électrons fusionnent en atomes d'hydrogène. La lumière échappée de cet événement cosmique est aujourd'hui détectable dans le domaine microonde (Cosmic Microwave Background ou CMB) et constitue la première image de l'Univers.
Une immense « bulle » de galaxies dans Cosmicflows-4
Or des cosmographes de l'Univers proche ont découvert fortuitement l'une de ces « bulles », devenues aujourd'hui immenses sous l'effet de l'expansion de l'Univers, et dont l'enveloppe et le cœur sont désormais composés d'amas de galaxies.
La « bulle » de galaxies est colorée en marron. Sont également visibles les structures récemment découvertes par le programme Cosmicflows : Laniakea, le superamas de galaxies qui inclut notre propre galaxie, la Voie Lactée ; le Mur du Pôle Sud, un filament géant de la toile cosmique ; le Dipole Repeller et le Cold Spot Repeller, deux vides cosmiques géants. © Frédéric Durillon, Animea Studio ; Daniel Pomarède, IRFU, CEA Université Paris-Saclay
Grâce à une méthode fondée sur l'étude des champs de vitesses des galaxies mesurées par différents télescopes, les chercheurs peuvent en effet reconstruire la « toile » de notre voisinage cosmique, révélant des superamas de galaxies et des grands vides, façonnés par la gravitation. Depuis 2010, un chercheur du CEA-Irfu est chargé de la cartographie des données de Cosmicflows et de leur visualisation interactive en 3D. Ces catalogues comptent désormais 30.000 galaxies et s'enrichiront encore avec les données que fournira la collaboration SDSS (Sloan Digital Sky Survey).
Ho'oleilana, à l'origine du monde
C'est dans le dernier catalogue Cosmicflows-4 que les chercheurs ont identifié pour la première fois une « bulle » de galaxies qu'ils ont baptisée Ho'oleilana, un terme provenant du chant hawaïen de la création, le Kumulipo, qui évoque l'origine du monde.
Ho'oleilana est située à 820 millions d'années-lumière de nous et son diamètre atteint un milliard d'années-lumière, soit la taille prévue pour une onde de compression (BAO) qui aurait grandi avec l'expansion de l'Univers, depuis la formation des premiers atomes d'hydrogène. En comparant leurs résultats avec des simulations, les chercheurs ont démontré qu'une structure en coquille avec un superamas en son centre telle que celle d'Ho'oleilana a une faible probabilité d'être due au hasard (inférieure à 1 %).
Visualiser la version interactive de cette figure. © Computational Astrophysics
(COAST)
Jusqu'à présent, les BAO n'avaient été observées que de manière indirecte, par l'étude statistique de la distribution spatiale des galaxies ou d'autres traceurs. Elles permettent de déterminer des paramètres du modèle standard de la cosmologie, comme la constante de Hubble, la courbure de l'Univers ou l'énergie noire (responsable de l'accélération de l'expansion de l'Univers).
Et après…
La constante de Hubble que l'on peut déduire de la taille d'Ho'oleilana est en accord avec les mesures effectuées par ailleurs dans l'Univers local et en tension avec les mesures faites dans l'Univers lointain (Planck avec le CMB, SDSS avec les quasars)
De futures données plus approfondies, comme celles de DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrument) ou du 4MOST Hemisphere Survey pourraient permettre de détecter des structures similaires ailleurs, dans l'Univers proche.
Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec les Universités de Hawaii et du Queensland (États-Unis).