Le syndrome de Lynch est une affection génétique, héréditaire, qui prédispose aux cancers du côlon et du rectum. On estime que trois gènes appelés MLH1, MSH2 et MSH6, en sont principalement responsables : ces gènes régulent les erreurs survenant lors de la réplication de l’ADN, notamment au moment de la division cellulaire.
Les chercheurs ont visé la protéine correspondant à MLH1,
une des protéines centrales impliquées dans une voie de réparation de
l’ADN (appelée « voie de réparation des mésappariements » car elle
répare les erreurs liées à la réplication de l’ADN). Ils ont utilisé la cristallographie aux rayons X
pour comprendre comment elle fonctionne et repérer où se trouvent
précisément les mutations. Cette technique consiste à cristalliser une
protéine et à étudier comment un faisceau de rayons X est dévié par le
cristal, comme la lumière du soleil est déviée par un prisme. L’angle de
déviation étant lié à la distance entre les atomes, la cristallographie
permet d’obtenir la structure atomique de la protéine. Presque évidente
ainsi résumée, cette méthode a, dans le cas présent, nécessité une douzaine d’années de travail entre la réalisation des premiers cristaux et l’« image » définitive.
L'image à l’échelle atomique de la protéine MLH1 (en
vert clair et foncé) permet de positionner les mutations identifiées sur
un panel de patients. Cette image permet de proposer un classement des
mutations : de haute gravité (en rouge), de gravité moyenne (en cyan) ou
gravité difficile à prédire d'après l'image (en gris). Crédit :
CEA/CNRS/Université Paris-Sud.
Outre son intérêt sur le plan de la recherche fondamentale, cette publication est le point de départ d’un projet clinique d’aide au diagnostic.
En effet, de nombreuses mutations identifiées sur MLH1 ne peuvent pas
directement expliquer le syndrome. Leur implication n’est établie qu’en
intégrant différents facteurs cliniques, tumoraux et familiaux. Les chercheurs et les cliniciens travaillent sur un listing de 70 mutations de MLH1 observées chez un panel de patients. D’ores et déjà, grâce aux résultats obtenus à Saclay, les chercheurs affinent l’impact potentiel de chaque mutation sur la voie de réparation des mésappariements de l’ADN.
(1) - Unité « Systèmes membranaires, photobiologie, stress et détoxication » (CEA/CNRS/Université Paris-Sud, Saclay) ;
- Institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire (CEA-iRCM, Fontenay-aux-Roses) ;
- Centre de biophysique moléculaire (CNRS, Orléans).
Mené avec l’ Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille et l’ Institut Curie,
ce projet a pour objectif d’utiliser les données fonctionnelles pour
personnaliser la prise en charge des patients porteurs de ces mutations,
en combinaison avec les autres facteurs. L’impact de ces mutations
pourra être classé en 3 niveaux : 1. Haute gravité (mutation délétère,
déploiement de la protéine) ; 2. Gravité moyenne (la protéine ne peut
plus interagir avec son environnement) ; 3. Ne se prononce pas.
Après séquençage du génome des personnes à risques (ce syndrome est héréditaire), les
médecins pourraient ainsi disposer d’un système de classement qui les
aiderait à décider de la prise en charge préventive du cancer colorectal.