Un petit grain qui vaut de l’or
Avec plus de 2,25 milliards
de tasses consommées chaque jour dans le monde, le café est la première
richesse de nombreux pays tropicaux. Selon les estimations de
l’International coffee organization, plus de 8,7 millions de tonnes de
café ont été produites en 2013, les recettes liées à l’exportation se
sont élevées à 15,4 milliards de dollars US pour la saison 2009-2010 et
le secteur employait près de 26 millions de personnes dans 52 pays en
2010.
Parmi les 126 espèces répertoriées dans le monde (Afrique,
Asie), seules deux sont cultivées : Coffea arabica et Coffea canephora,
alias robusta. Malgré son importance économique, le génome du café
n’avait jamais été séquencé jusqu’à présent.
Séquençage de l’ADN du caféier
Dans cette étude publiée dans Science, les chercheurs se sont intéressés
au café robusta, du fait de son génome de taille moyenne (710 millions
de paires de bases d’ADN) et de son caractère diploïde (contrairement à
Coffea arabica, qui est tétraploïde). Le plan de caféier étudié, produit
dans les années 80 par l’IRD en Côte d’Ivoire, présentait également
l’avantage d’être un matériel végétal homozygote (deux jeux identiques
de 11 chromosomes), plus facile à analyser que les hétérozygotes
naturels.
En utilisant plusieurs technologies de séquençage, le
Genoscope (CEA) a coordonné l’obtention de la séquence d’ADN du caféier,
assemblée en grands fragments susceptibles d’être utilisés dans
différents types d’analyse. Les équipes de l’IRD et du CIRAD ont ensuite
ancré ces fragments de séquence sur une carte génétique haute densité,
afin de reconstruire des pseudo-chromosomes. Un catalogue des gènes et
des séquences répétées a enfin été réalisé et validé, permettant une
comparaison avec d’autres plantes.
Une étape capitale dans le décryptage du génome du caféier
Les chercheurs ont ainsi établi une séquence génomique de référence pour
les caféiers (y compris pour l’espèce Coffea arabica), et plus
généralement pour les Rubiacées, une des plus vastes familles des
plantes à fleurs (regroupant près de 12 500 espèces).
L’analyse comparée des génomes par le consortium international a
également révélé que l’organisation du génome du caféier est la plus
conservée au sein des Astéridées (famille à laquelle appartiennent les
pommes de terre et les tomates) et très proche de celle de l’espèce
ancestrale dont toutes les plantes de type Dicotylédones vraies (ou
Eudicotylédones) ont dérivé au cours de leur évolution. Enfin, l’étude
du génome améliore la connaissance du métabolisme secondaire des plantes
et de sa diversification. Une analyse comparative avec le génome du
cacaoyer montre notamment que la biosynthèse de caféine est due à des
enzymes propres à chaque espèce, apparues à divers moments au cours de
l’évolution.
A plus long terme, l’identification de la séquence du génome du caféier
ouvre de nouvelles perspectives en matière d’amélioration variétale, de
connaissance des fonctions précises des gènes (notamment ceux
spécifiques aux caféiers), de possibilité de transferts des résultats
sur d’autres espèces et de mise au point d’outils de diagnostic du
fonctionnement de la plante.
Elle va faciliter la réalisation de projets appliqués, comme la
sélection ou la création de variétés de caféier présentant des
caractéristiques technologiques et/ou qualitatives améliorées, plus
résistantes aux contraintes environnementales et aux bioagresseurs,
comme par exemple la maladie de la rouille orangée des feuilles. En
effet, cette maladie a encore un impact considérable sur la caféiculture
et l’économie des petits pays producteurs d’Amérique centrale tels le
Guatemala, le Honduras ou le Costa Rica. Enfin, elle devrait contribuer à
orienter les producteurs vers une agriculture écologiquement intensive.
L’ensemble des résultats est disponible pour la communauté
scientifique sur une base de donnée publique développée par l’IRD et le
Cirad et accessible en ligne : http://coffee-genome.org/