C’est un fait : tous les individus ne sont pas égaux face à la Covid-19. Certains individus infectés n’ont aucun symptôme, alors que d’autres finissent en réanimation. En effet, tout le monde n’a pas les mêmes prédispositions génétiques face à la maladie. L’un des enjeux des recherches actuelles sur la Covid-19 est donc d’identifier les prédispositions qui conduisent à une forme sévère de la maladie. Une première étape en ce sens a été franchie avec la publication de deux premières études génétiques pangénomiques (c’est-à-dire qui prennent en compte le génome dans son intégralité) menées respectivement par des chercheurs allemands et anglais sur deux populations européennes distinctes à un an d’intervalle (au tout début de l’année 2020 en Espagne et en Italie, et un an plus tard en Angleterre), sur des personnes malades et non malades (1). Ces dernières ont révélé un signal sur le chromosome 3, « c’est-à-dire une association significative entre une variation génétique présente sur une région de ce chromosome – dans laquelle se trouvent des gènes liés à l’immunité – et la sévérité de la Covid-19 », explique Jean-François Deleuze.
Une variation venant de Neandertal
Or, précise-t-il, «
ce qui est intéressant avec cette variation sur le chromosome 3 est qu’elle nous vient de l’homme de Neandertal. Il faut savoir, en effet, qu’en tant qu’Européens, certains d’entre nous ont dans leur génome des portions d’ADN héritées du génome de Neandertal, issues du métissage des hommes de Neandertal et de Cro-Magnon. Si nous les avons conservées, c’est parce qu’elles nous conféraient un avantage sélectif, qui s’avère aujourd’hui désavantageux puisqu’il est associé à des formes sévères de la Covid-19 ». Cette variation est présente dans 50 % de la population d’Asie du Sud Est et 16 % de la population européenne. L’homme de Neandertal n’étant probablement pas allé jusqu’en Afrique, cette variation de la région du chromosome 3 ne se retrouve pas actuellement dans les populations africaines.
Des mutations rares
Pour autant, cela signifie-t-il que ces populations dont les ancêtres n’ont pas ou très peu croisé Neandertal sont protégées des formes sévères ? Non, car il existe très probablement d’autres gènes pouvant prédisposer à une forme grave de la maladie, qui restent encore majoritairement à découvrir. Pour atteindre ce but, la voie pangénomique n’est pas la seule piste suivie. Deux immunogénéticiens français, Laurent Abel et Jean-Laurent Casanova, ont ainsi privilégié une autre approche
(2). Ils ont choisi de ne s’intéresser qu’à 13 gènes, sélectionnés car étant les gènes connus de la voie de l’interféron (les interférons étant des protéines produites pour défendre l’organisme lorsque des agents pathogènes, comme les virus ou les bactéries, sont détectés). Ils ont ainsi étudié le cas de 659 patients gravement touchés par la maladie, âgés d’un mois à 99 ans, et ont découvert chez 23 de ces individus (âgés de 17 à 77 ans) des mutations fonctionnelles très rares sur ces 13 gènes qui expliquent cette sévérité.
Des pistes de compréhension et de traitement
Comme le résume Jean-François Deleuze : «
ces différents types de marqueurs sont deux signatures importantes de la prédisposition génétiques à la Covid-19 (parmi d’autres qui restent à découvrir). Les deux modèles ainsi identifiés, commun et rare, serviront notamment à établir des catégories de patients dotés de cette « comorbidité génétique » et qui devront être mieux protégés, plus vite vaccinés ou vaccinés différemment. Mais aussi, ce sont deux pistes à suivre pour, d’une part, mieux comprendre cette maladie, et d’autre part, lui trouver un potentiel traitement ».
Actuellement, la recherche de gènes de susceptibilité est donc toujours en cours, au sein du consortium EPIGENCOV dans lequel est impliqué le
Centre national de recherche en génomique humaine (CNRGH) du CEA.