Après Mimivirus, découvert il y a 10 ans, et plus récemment Megavirus chilensis
[1], les chercheurs pensaient avoir touché la limite ultime du monde
viral en termes de taille et de complexité génétique. Avec un diamètre
proche du micron et un génome contenant plus de 1100 gènes, ces virus
géants qui infectent des amibes du genre Acanthamoeba empiétaient
déjà largement sur le territoire que l'on pensait être réservé aux
bactéries. A titre indicatif, des virus courants, tels que le virus de
la grippe ou celui du SIDA, ne renferment qu'une dizaine de gènes.
Dans l’étude publiée dans la revue Science, les chercheurs annoncent la découverte de deux nouveaux virus géants :
- Pandoravirus salinus, sur les côtes chiliennes ;
- Pandoravirus dulcis, dans une mare d'eau douce à Melbourne (Australie).
L’analyse détaillée de ces deux premiers Pandoravirus révèle
qu’ils n'ont quasiment aucun point commun avec les virus géants
précédemment caractérisés. De plus, seul un infime pourcentage (6%) des
protéines codées par les 2500 gènes de Pandoravirus salinus
ressemble à des protéines déjà répertoriées dans les autres virus ou les
organismes cellulaires. Avec un génome de cette taille, Pandoravirus salinus vient démontrer que la complexité des virus peut dépasser celle de certaines cellules eucaryotes [2]. Autre singularité : les Pandoravirus
n'ont aucun gène qui leur permettrait de fabriquer une protéine
ressemblant à la protéine de capside, la brique de base des virus
traditionnels.
Malgré toutes leurs propriétés originales, les Pandoravirus conservent les caractéristiques essentielles du monde viral : absence de ribosome, de production d'énergie et de division.
Dans ce contexte de nouveauté absolue, l’analyse du protéome de Pandoravirus salinus
a permis de montrer que les protéines qui le constituent sont bien
celles prédites à partir de la séquence du génome du virus. Les Pandoravirus utilisent donc le code génétique universel, code commun à tous les organismes vivants sur notre planète.
Ce
travail souligne à quel point notre connaissance de la biodiversité
microscopique reste étonnamment partielle dès que l'on explore de
nouveaux environnements. En effet, les Pandoravirus, jusqu’alors
totalement inconnus, ne sont sans doute pas rares comme l'atteste la
découverte simultanée de deux spécimens de cette nouvelle famille virale
dans des sédiments localisés à 15000 km de distance.
La
découverte qui a été réalisée comble définitivement une discontinuité
entre le monde viral et le monde cellulaire, discontinuité qui a été
érigée en dogme depuis les fondements de la virologie moderne dans les
années 1950. Elle suggère également que l'émergence de la vie cellulaire
a pu s'accompagner d'une diversité beaucoup plus foisonnante de formes
pré-cellulaires que celles envisagées classiquement, ce nouveau type de
virus géant étant quasiment sans homologie avec les trois domaines du
vivant reconnus : eucaryotes, eubactéries et archébactéries.
[1] Arslan D, Legendre M, Seltzer V, Abergel C, Claverie JM (2011) “Distant Mimivirus relative with a larger genome highlights the fundamental features of Megaviridae”. Proc Natl Acad Sci USA. 108: 17486-91.
[2] Il s’agit notamment des microsporidies parasites du genre Encephalitozoon.
Pandoravirus salinus observé par microscopie électronique © IGS CNRS-AMU