La prise en charge du paludisme aujourd’hui
Après la piqûre
d’un moustique infecté, le parasite responsable du paludisme gagne le
foie où il se multiplie. Ensuite, il se propage dans le sang où sa
prolifération provoquera une maladie potentiellement mortelle. Dans
certains cas, dont celui du parasite Plasmodium vivax chez l’homme, une fraction des parasites hépatiques peut rester « dormante » un an ou plus, d'où leur nom d’hypnozoïte.
Ensuite ceux-ci se « réveillent » au cours du temps et provoquent une
infection sanguine. Cette caractéristique est probablement à l’origine
de la croyance que le paludisme persiste à vie.
L’hypnozoïte
représente, dans le cadre du contrôle/élimination du paludisme, une
double difficulté : un plus grand nombre de cas à traiter et une
transmission accrue. Malheureusement la primaquine (et son équivalent
récemment développé, la tafénoquine), seuls médicaments capables de tuer
les hypnozoïtes, ont des effets indésirables parfois graves pour
l’organisme. C’est pourquoi l’identification de molécules sûres pour les
remplacer constitue une urgence de santé publique. Jusqu'à présent, la
recherche de nouveaux médicaments anti-hypnozoïtes s'est appuyée sur des
observations faites chez chez l’homme infecté avec P. vivax, ou chez les singes infectés avec un parasite proche de P. vivax, P. cynomolgi.
Méthodologie
Grâce
à une collaboration avec les équipes de l’infrastructure nationale
IDMIT (Infectious Diseases Models For Innovative Therapies) au
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et
celles du Biomedical Primate Research Centre (BPRC) aux Pays-Bas,
l’équipe du Pr Dominique Mazier et du Dr Georges Snounou ont d'abord
réussi à maintenir en culture des cellules hépatiques infectées jusqu'à
40 jours, soit près de quatre fois plus longtemps que ce qui est
généralement obtenu. Elle a ensuite montré la persistance des formes
dormantes tout au long de la culture, certaines se réveillant au fil du
temps, mimant ainsi ce qui se passe chez l’homme. Elle a également testé
sur ces hypnozoïtes de nouvelles molécules inhibitrices des facteurs
épigénétiques qui ciblent des méthyltransférases d’histones, capables de
tuer la forme sanguine du parasite (découvertes à l'Institut Pasteur,
Paris). Paradoxalement, l’une d’entre elles induisait le réveil des
hypnozoïtes. Ce résultat inattendu a amené l'équipe à formuler une
nouvelle stratégie: "Wake & Kill" consistant à associer une molécule
capable de réveiller le parasite dormant à un des nombreux traitements
disponibles et qui a fait ses preuves d’efficacité sur le parasite en
cours de multiplication.
Des résultats porteurs d’espoir dans la prise en charge du paludisme
Grâce
à cette méthodologie développée via une collaboration internationale et
multi-instituts (Inserm, CNRS, CIMI, CEA, UPMC, AP-HP, Institut Pasteur
Paris), il est désormais possible de cribler in vitro des médicaments
pour leur effet anti-hypnozoïte, limitant ainsi le recours aux animaux.
Le défi consiste à adapter cette technique au criblage d’un grand nombre
de composés. En outre, la possibilité de cultiver des hypnozoïtes va
enfin permettre aux scientifiques d’étudier cette forme parasitaire
énigmatique décrite 100 ans après la découverte de l’agent du paludisme
par Laveran en 1880.