La migration cellulaire est un processus fondamental dans le
développement embryonnaire. C’est notamment grâce aux déplacements
coordonnés de cellules au cours de la gastrulation que se dessinent les
grands axes d’organisation de l’organisme. Chez l’adulte, les migrations
cellulaires sont moins répandues, mais néanmoins nécessaires aux
cellules immunitaires qui se déplacent dans l'organisme à la recherche
d’agents pathogènes ou pour la cicatrisation de blessures, par exemple.
La
migration cellulaire dépend de la formation de réseaux d'une protéine
fibreuse, l'actine, qui permettent à la cellule de projeter sa membrane
en formant une structure appelée lamellipode. Les fibres d'actine qui
génèrent cette force sont branchées entre elles grâce à une machine
moléculaire appelée « complexe Arp2/3 ». Afin de mieux comprendre la
régulation de ce complexe, les scientifiques ont recherché de nouvelles
protéines qui interagissent avec lui, à l’aide d’un crible
bioinformatique. Ils ont ainsi identifié une protéine qui était
jusqu’alors inconnue.
Les chercheurs se sont aperçus que cette
nouvelle protéine, baptisée Arpin, était un inhibiteur du complexe
Arp2/3. Arpin freine en effet la projection de la membrane. Le mécanisme
par lequel elle opère était tout à fait inattendu : celle-ci ne
s’active qu’au moment où le signal de projeter la membrane est donné, un
peu comme si un conducteur freinait au même moment qu’il accélérait.
Pour
mieux comprendre le fonctionnement d’Arpin, les chercheurs ont éliminé
cette protéine dans plusieurs types de cellules très différents, telles
que des amibes ou des cellules tumorales. Ils ont ainsi montré que ces
cellules dépourvues de ce frein moléculaire migraient plus vite, mais
aussi de façon plus rectiligne. Ainsi, non seulement la protéine Arpin
freine la cellule, mais en plus, elle lui permet de tourner. L'effet de
cette protéine étant localisé dans la membrane cellulaire, son
activation freine la progression du lamellipode sans empêcher la
formation d'un autre lamellipode ailleurs dans la membrane, changeant
ainsi la trajectoire de la cellule. Cette nouvelle protéine joue donc à
la fois le rôle de frein et de volant.
Les chercheurs pensent que
la découverte d’Arpin aura un fort impact dans le domaine des
recherches sur le cancer. En effet, les cellules cancéreuses sont
capables de réactiver le programme de migration cellulaire et ainsi
produire des métastases qui envahissent l'organisme. La découverte de
cette protéine pourrait donc avoir des répercussions tant sur le
diagnostic des tumeurs invasives que sur les interventions
thérapeutiques qui visent à bloquer la formation de métastases.