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Publication - New Phytologist

La génomique du chêne fait ses preuves


​Un an et demi après la publication de la séquence complète du génome du chêne pédonculé par un consortium national mené par INRAE et le CEA, les premiers résultats s’appuyant sur cette ressource génomique font l’objet d’une série d’articles publiés le 16 avril 2020 dans la revue New Phytologist. Ces nouveaux résultats précisent l’histoire évolutive des chênes, des racines profondes de leur diversification jusqu’à l’évolution plus récente des chênes blancs européens, ainsi que l’identification de gènes clés impliqués dans l’adaptation à certains environnements ou dans la résistance à des agents pathogènes.

Publié le 17 avril 2020
Clés de voute des écosystèmes forestiers, les arbres – et les chênes en particulier - sont également considérés comme des organismes modèles pour identifier les processus écologiques et évolutifs responsables de la diversification et de l'adaptation des plantes à leur environnement. 
Parmi la dizaine d’articles publiée dans la revue New Physiologist, sept d’entre eux sont cosignés par des chercheurs d’INRAE, dont quatre sont issus d’une coopération entre l’UMR BIOGECO implantée en Nouvelle-Aquitaine et des partenaires de longue date de cette unité :  le Morton Arboretum de Chicago ou le Genoscope de l’Institut de biologie François Jacob du CEA.
A travers ces différents articles et grâce aux données générées par le Genoscope du CEA-Jacob, les chercheurs ont mis en évidence plusieurs points :
-    Par la synthèse des connaissances accumulées sur l’évolution ancienne et récente des chênes, ils soulignent les mécanismes évolutifs qui ont permis aux chênes de coloniser l’Hémisphère Nord (Kremer et Hipp, 2020);
-    Au regard des récentes découvertes obtenues grâce à la génomique, ils résument dans un article d’opinion la symbolique traditionnelle associée aux chênes telles que la longévité, la cohésion et la robustesse (Leroy et al. 2020a); ils proposent une stratégie de conservation des chênes afin de favoriser l’adaptation de ces organismes sessiles et longévifs aux changements globaux (Cannon et Petit, 2020).    
 
Enfin, des articles de recherches viennent illustrer la publication de ces travaux de synthèses et prospectifs sur la séquence du génome du chêne.
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Futaie « Colbert » de la forêt de Bercé. Des chênes âgés de plus de 300 ans dans l’une des plus anciennes futaies de chênes de France. © D. Bert

Dans le détail :

> 56 millions d’années d'histoire évolutive des chênes gravées dans leurs génomes 

En séquençant une partie du patrimoine génétique de 260 espèces de chênes dans le cadre d’un consortium international coordonné par le Mortum Arboretum, les chercheurs d’INRAE et leurs collègues ont d’abord montré que les espèces se sont diversifiées à plusieurs reprises dans tous les continents de l'hémisphère Nord, et que le taux de diversification s’accélérait en réponse à la migration dans de nouveaux environnements (Hipp et al. 2020). A cette échelle de temps de la diversification des chênes, ils ont aussi découvert qu’aucune région génomique n’était en mesure de les distinguer les unes des autres.

> Quand la sélection naturelle laisse son empreinte au sein du génome

Les chercheurs ont levé le voile sur les gènes intervenant dans l’adaptation des arbres à leur environnement ainsi que sur ceux contribuant aux spécificités intrinsèques de chaque espèce.
Pour ce faire, le génome de 18 populations de chênes sessiles a été séquencé et échantillonné dans des environnements contrastés, à différentes latitudes et altitudes en Europe (du sud-est de la France au Nord de l’Allemagne, et du piémont pyrénéen à des peuplements à plus de 1600 mètres) et à travers trois autres espèces inter-fertiles de chênes blancs européens (pédonculé, pubescent et tauzin). Les simulations effectuées soutiennent l’hypothèse que ces différentes espèces ont longtemps été isolées les unes des autres, et que suite au dernier épisode glaciaire, elles ont massivement échangé de l’information génétique par hybridation, à l’exclusion de quelques régions précises du génome qu’on pourrait qualifier d’« imperméables aux flux de gènes entre espèces ». 

Ce sont ces zones particulières du génome - et les gènes que ces régions contiennent - que les chercheurs ont identifiées et caractérisées (Leroy et al. 2020b). Dans d’autres zones du génome, les échanges entre les espèces ont été au contraire particulièrement intenses, permettant ainsi la diffusion de certaines adaptations génétiques à des conditions environnementales particulières. A titre d’exemple, certaines populations de chêne sessile vivant dans des environnements particulièrement froids pour l’espèce ont bénéficié d’adaptation provenant initialement du chêne pédonculé, une espèce un peu mieux adaptée à ces conditions environnementales (Leroy et al. 2020c). 

> Bases génétiques de la résistance à l’un des principaux parasites du chêne 

Les chercheurs d’INRAE ont aussi commencé à décrypter les bases moléculaires de la résistance du chêne pédonculé à l’agent pathogène responsable de l’oïdium, ce revêtement blanc farineux sur les feuilles, si caractéristique au printemps.

Bien que ce champignon ascomycète soit originaire d’Asie et présent en Europe depuis seulement un siècle environ, certains génotypes de chêne présentent de forts niveaux de résistance, alors qu’ils n’ont pas co-évolué avec ce pathogène. Les chercheurs ont notamment détecté des gènes codant pour des protéines impliquées dans la signalisation extracellulaire, permettant de déclencher la réponse immunitaire, dans deux régions du génome (Bartholomé et al. 2020).

Ces recherches ne représentent qu’un échantillon des nombreux travaux en cours au sein de l’UMR BIOGECO à Bordeaux. A titre d’exemple, on pourrait citer : (i) ceux portant sur l’étude des déterminants génétiques de la biosynthèse de métabolites spécialisés impliqués dans les défenses des chênes face aux insectes phytophages, (ii) ceux  menées sur les mécanismes moléculaires impliqués dans la production de molécules contribuant aux qualités organoleptiques des vins élevés en fut de chêne, et (iii) les possibilités offertes par l’ADN extrait de restes anciens de bois mort (comme les pieux d’habitations lacustres préhistoriques présents autour des lacs périalpins), qui permet d’accéder au génome d’arbres ayant vécu il y a plusieurs milliers d’années  ;  des recherches qui ouvrent des perspectives pour comprendre la dynamique évolutive récente des écosystèmes forestiers et étudier leur capacité d’adaptation face au changement climatique.

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