Vous êtes ici : Accueil > Actualités & Communiqués > Faire de la chimie à l’intérieur d’une cellule

Résultat scientifique | Communiqué de presse | Santé & sciences du vivant | Chimie | Pharmacologie

Faire de la chimie à l’intérieur d’une cellule


Une équipe du CEA-IBITECS , en collaboration avec le CNRS et une équipe de l’Université de Strasbourg (Unistra), a développé de nouveaux réactifs pouvant servir à comprendre le mode d’action d’un médicament au coeur de sa zone de fonctionnement. Ces réactifs, appelés « azotures chélatants » sont capables de se coupler quasi instantanément et de façon hautement sélective à tout composé possédant une triple liaison. La grande nouveauté de ce travail est la capacité de réaliser ce couplage dans tous les milieux y compris à l’intérieur d’une cellule. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication comme VIP (very important paper) le 02 mai 2014 sur le site d’Angewandte Chemie International Edition.
Publié le 6 mai 2014

​La chimie dite bio-orthogonale, c'est-à-dire bio-compatible et hautement sélective, est en plein essor. Elle est la source des outils chimiques innovants permettant de modifier du matériel biologique, à souhait et avec des performances inégalées. Cette nouvelle chimie, applicable au vivant, est la base du développement de nombreuses technologies associées à la santé. Parmi les réactions chimiques bio-orthogonales, le couplage entre les azotures et les alcynes, fonctions chimiques non naturelles, catalysé par des complexes de cuivre, est l’une des plus utilisées. Cette réaction, impliquant trois composés, les deux réactifs et le catalyseur à base de cuivre, est très chimio sélective. Son utilisation dans des milieux biologiques très complexes, tel que les milieux cellulaires, a cependant plusieurs inconvénients, dont la nécessité d’utiliser un excès de cuivre, ce qui provoque une forte toxicité voire une mort cellulaire.

En partant du principe simple qu’une réaction impliquant deux composés au lieu de trois est plus favorable, les chimistes du CEA-IBITECS, en étroite collaboration avec ceux de l’Unistra et du CNRS, ont développé un réactif comprenant dans sa structure à la fois la fonction azoture et un complexant du cuivre.


azoture-chelatant.jpg

Structure générique des azotures chélatants développés par les chercheurs du CEA-IBITECS en collaboration avec l’Unistra et le CNRS Ces composés permettent d’assembler - ou de « clicker » - deux éléments (rond bleu et étoile rouge) de façon spécifique : les autres éléments présents n’interagissent pas avec la réaction. Ceci est rendu possible en fixant sur le premier élément un dipôle appelé azoture (N3) possédant une structure complexant un atome de cuivre et sur l’autre, un groupement alcyne (triple barre en bleu). Ces réactifs peuvent par exemple servir à comprendre le mode d’action d’un médicament lorsque l’on a préalablement introduit sur celui-ci le groupement alcyne et un groupement fluorescent sur l’azoture chélatant. Crédit : F. Taran/CEA


Ce type d’azoture chélatant se conduit à la fois comme réactif et comme catalyseur. Sa capacité à réagir avec des alcynes devient alors spectaculaire. La vitesse de réaction est multipliée par 40 000 et le couplage devient aussi efficace en milieu simple qu’en milieu complexe. En conditions de haute dilution, le couplage s’effectue en moins de trente secondes, y compris dans des environnements aussi complexes que le sang ou les milieux cellulaires. Ces propriétés particulières ont permis de montrer pour la première fois que ce type d’azoture chélatant peut être couplé avec succès à un alcyne directement à l’intérieur d’une cellule.


Applications


Le champ d’application de ces nouveaux réactifs de couplages est varié. Il peut s’étendre de la chimie médicinale (assemblage de médicaments à des anticorps thérapeutiques…) jusqu’aux biotechnologies (traceurs pour l’imagerie médicale à base de 64Cu…).
Dans le cadre de cette étude, les azotures chélatants ont été utilisés pour localiser un médicament à l’intérieur d’une cellule. Ainsi, une fonction alcyne a été introduite dans la structure du paclitaxel, un anticancéreux bien connu. Ce dérivé de paclitaxel a alors été mis au contact de cellules cancéreuses. Après une période d’incubation, un dérivé d’azoture chélatant fluorescent a été additionné. Après incubation puis lavage des cellules, une fluorescence a clairement été identifiée dans les microtubules associée au paclitaxel, démontrant ainsi l’efficacité du couplage chimique à l’intérieur des cellules.
Ces réactifs permettent donc de localiser un médicament dans une cellule et d'identifier la cible biologique du médicament. En d’autres termes, ces résultats permettent de comprendre le mode d'action des médicaments au cœur même de leur zone de fonctionnement.

Haut de page