Avec sa hauteur de 4,3 m, sa longueur de 6,8 m et son poids de 8 tonnes, le
Mammuthus meridionalis compte parmi les plus gros mammifères à avoir jamais marché sur Terre. Plus grand et plus ancien que le mammouth velu représenté dans les grottes de Rouffignac en Dordogne, ce proboscidien présent en Eurasie il y a entre
700 000 et deux millions d’années est connu de la science par une poignée de spécimens dont
le Mammouth de Durfort. Ce dernier fut découvert quasi-complet en 1869 dans le Gard, avant de subir ultérieurement à son exhumation diverses dégradations. A tel point qu’il dût être restauré au moment de son arrivée au Muséum National d’Histoire Naturelle quatre ans plus tard.
Squelette de Mammuthus meridionalis
au Muséum national d'histoire naturelle de Paris. © Ghedo Domaine public
«
Son crâne qui était très endommagé fut renforcé avec du plâtre, de la résine et du bois puis reconstitué en s’inspirant, faute de connaissances suffisantes, de l’anatomie des éléphants actuels », raconte Nicolas Estre, ingénieur à l'institut Iresne du CEA (Institut de recherche sur les systèmes nucléaires pour la production d'énergie bas carbone). Jusqu’à quel point ?
C’est ce que souhaitaient déterminer les spécialistes du Muséum en profitant
d’une
opération exceptionnelle de démontage et de nettoyage du squelette. Ils ont alors demandé au laboratoire de Mesures nucléaires du CEA, le seul en France équipé pour traiter une pièce d’une telle envergure, de réaliser une
tomographie X à hautes énergies afin d’obtenir une
vue 3D du crâne, montrant à
0,5 mm près la répartition des différents matériaux qui le composent.
Bien qu’inhabituelle, la requête n’était pas inédite : « même si notre installation Cinphonie est spécialisée dans l’imagerie des colis de déchets nucléaires, il lui est déjà arrivé de travailler pour des archéologues, rappelle Nicolas Estre. En 2017 par exemple, nous avions étudié des canons du XVIIe siècle pour savoir si leur gangue contenait encore du métal ».
Une fois réceptionné au centre CEA de Cadarache le 28 juin 2022, le crâne fossilisé de
400 kg et 1,1 m de large a été transporté jusqu’au plateau du tomographe où les analyses ont débuté.
Le mammouth de Durfort étudié aux rayons X. © CEA
Elles consistent à réaliser, grâce au rayonnement produit par un accélérateur linéaire, un ensemble de
15 000 radiographies prises sous des angles et niveaux différents ; puis à effectuer une série de post-traitement numérique avant
restitution d’une image 3D. Et l’on saura alors ce que cache la trompe du proboscidien.
Cet article est extrait des Défis du CEA n°250 à paraitre en septembre.
1 Dans la Galerie d’anatomie comparée et de paléontologie