Comment déterminer si les bébés sont conscients de leur environnement
alors même qu’ils ne savent pas encore parler et sont incapables de
communiquer leurs propres pensées ? Pour résoudre cette question
complexe, les chercheurs ont utilisé une approche alternative consistant
à déterminer si les marqueurs neuronaux de la conscience observés chez
des adultes pouvaient être également présents chez le bébé. En effet,
chez l’adulte, des recherches récentes montrent que le cerveau répond en
deux étapes à la perception d’un évènement extérieur. Pendant les
premières 200 à 300 millisecondes, le traitement perceptif est
totalement non-conscient et s’accompagne d’une activité neuronale qui
augmente de façon linéaire, c’est-à-dire avec une amplitude qui croit de
manière constante en fonction de la durée de présentation des objets
perçus. Puis, une seconde étape, plus tardive (après 300 ms), se
caractérise par une réponse non-linéaire correspondant au seuil de la
conscience. Seules les durées de présentation assez longues pour
atteindre ce seuil donnent lieu à une réponse tardive et s’accompagnent
d’une perception consciente. Cette réponse tardive et non-linéaire du
cerveau est considérée comme un marqueur neuronal de la conscience.
Dans
cette étude, la présence de ce marqueur de conscience a été testée sur
80 nourrissons âgés de 5, 12 et 15 mois. Pour ce faire, ils ont été
invités à regarder des visages présentés plus ou moins longuement (donc
sur des durées inférieures ou supérieures à leur seuil de perception),
tandis que les réponses électriques de leur cerveau étaient enregistrées
par électro-encéphalographie. Pour tous les groupes d’âge, les
chercheurs ont observé la même réponse tardive et non-linéaire que chez
les adultes, confirmant la présence de cette « signature neuronale de la
conscience » chez les bébés. Toutefois, alors que cette réponse est
enregistrée autour de 300 ms chez l’adulte, celle-ci est beaucoup plus
tardive chez les bébés, ne s’établissant qu’après au moins une seconde
chez les enfants les plus jeunes.
Ces résultats révèlent que les
mécanismes cérébraux qui sous-tendent la conscience perceptive sont déjà
présents très tôt chez les nourrissons. Mais ceux-ci sont relativement
lents et subissent une accélération progressive au cours du
développement.
Un bébé de 5 mois qui a participé à cette étude avec sa mère. © Sofie Gelskov