La bactérie magnétotactique Magnetococcus marinus vit dans les sédiments marins. Sa vitesse apparente de nage, très rapide, était jusqu’à présent estimée à 100 µm/s. De forme sphérique, elle possède deux paquets de flagelles sur un de ses hémisphères. Le mouvement exact, supposé hélicoïdal en présence d’un champ magnétique, la tête devant et les flagelles à l’arrière, demeurait cependant hypothétique.
Pour répondre à cette question et déterminer la vitesse réelle de nage de cette bactérie, les scientifiques de l’Institut Max Planck de Potsdam, de l’Université de Göttingen et leurs collègues du BIAM au CEA Cadarache ont dû développer de nouveaux outils expérimentaux et numériques. Le mouvement de ces micro-nageurs a été suivi par microscopie en 3 dimensions et analysé par imagerie à champ noir à très haute fréquence pour décomposer le mouvement des flagelles. Ce travail expérimental a été complété par des simulations originales pour voir quelles configurations des flagelles pouvaient reproduire le mouvement observé expérimentalement.
La conclusion est étonnante. Les flagelles sont disposés à 180° de part et d’autre de la tête de la bactérie, avec un paquet qui tire et un autre qui pousse, une configuration encore jamais observée pour des bactéries ni même pour n’importe quel microorganisme connu. Le mouvement qui en résulte décrit des doubles voire triples spirales ! Magnetococcus marinus fait des sortes de loopings complexes.
Et la vitesse dans tout cela ? La vitesse réelle n’est pas la vitesse apparente, les spirales augmentant considérablement la distance parcourue. La vitesse réelle se révèle dans la fourchette de 400 à 500 µm/s pour une bactérie mesurant 1 µm. Elle se déplace donc de 500 fois sa propre taille chaque seconde. Ce chiffre est à rapprocher de la vitesse de déplacement d’autres bactéries connues (40 à 50 µm/s), ou de la vitesse de nage de nos champions, de l’ordre de 2 m/s soit environ une fois sa taille par seconde pour les humains…
Voici donc Magnetococcus marinus reine des podiums ! Les chercheurs s’interrogent sur l’origine de ces performances et proposent l’hypothèse que ce type de nage en spirale ait un avantage dans un environnement sédimentaire encombré d’obstacles, que les loopings permettraient d’éviter. Cette particularité pourrait être exploitée en micro-robotique médicale, pour se déplacer dans le sang de patients. Elle pourrait également être utilisée pour assainir des zones polluées avec du pétrole ou des métaux lourds par exemple que la bactérie pourrait aspirer et relarguer dans des espaces adéquats.