Depuis janvier 2011, la fabrication et la
commercialisation des biberons contenant du bisphénol A sont interdites en
Europe. De plus, une loi récente
interdit en France, dès janvier 2015, la fabrication, l'exportation,
l'importation et la mise sur le marché de tout conditionnement alimentaire
contenant du bisphénol A. Le bisphénol S et le bisphénol F sont des produits de
remplacement du bisphénol A, actuellement à l'étude ou déjà utilisés. Bien
qu'ils aient une structure chimique proche de celle du bisphénol A, leur
dangerosité n'a encore jamais été testée chez l’Homme et les autres mammifères,
et il n'y a actuellement aucune réglementation les concernant.
Pour évaluer la dangerosité des perturbateurs endocriniens[3] sur le développement du testicule pendant la vie fœtale, René Habert et ses collaborateurs du Laboratoire de Développement des Gonades (UMR 967 « Cellules souches, Radiations et instabilité génétique » - CEA/Inserm/université Paris Diderot) utilisent depuis de nombreuses années une approche expérimentale originale qu'ils ont mise au point et appelée Fetal Testis Assay (FeTA)[4]. Cette méthode permet de maintenir en vie des testicules fœtaux humains dans une boîte de culture pendant plusieurs jours et de tester les effets de l'addition de différents produits chimiques sur leur développement et leurs fonctions. En 2012, et grâce à cette méthode, les chercheurs ont apporté la première preuve expérimentale que le bisphénol A inhibe la production de testostérone par le testicule du fœtus humain. Une concentration de bisphénol A de 2 microgrammes par litre dans le milieu de culture est suffisante pour induire ces effets. Celle-ci équivaut à la concentration moyenne généralement retrouvée dans le sang, les urines et le liquide amniotique de la population.
Dans cette nouvelle étude, dont les résultats viennent d'être publiés sur le site de la revue Fertility and Sterility, les chercheurs ont utilisé le même système de culture. Ils ont observé que l'exposition in vitro des testicules fœtaux humains au bisphénol S ou au bisphénol F réduit la production de testostérone, par le testicule fœtal humain, de façon tout à fait identique à la réduction provoquée par le bisphénol A. C'est la première fois que l'on démontre un effet délétère des bisphénols S et F sur une fonction physiologique chez l'Homme.
Par ailleurs, les chercheurs ont comparé la réponse aux bisphénols S et F des testicules fœtaux humains avec celle des testicules fœtaux de souris. Ils ont observé que, comme pour le bisphénol A, l'espèce humaine est beaucoup plus sensible aux bisphénols S et F que ne l'est la souris.
Pour rappel :
Le bisphénol A est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est notamment utilisé dans la fabrication de récipients alimentaires et est présent dans les films de protection à l'intérieur des canettes et des boîtes de conserves. Plusieurs études ont montré que ce composé induit des effets néfastes sur la reproduction, le métabolisme et le cerveau. L'impact maximal du bisphénol A se produit pendant la vie fœtale.
Chez l'homme et les mammifères, la testostérone produite par le testicule pendant la vie fœtale impose la masculinisation des organes génitaux internes et externes. En son absence, ces organes évolueraient spontanément dans le sens femelle. Une diminution de la production de testostérone fœtale peut se traduire par des défauts de la masculinisation observés à la naissance (tels que l'hypospadias et la cryptorchidie). De plus, il est probable qu'un défaut de la production de testostérone pendant la vie fœtale puisse se traduire par une altération de la production spermatique à l'âge adulte.
[1] CEA-IRCM (Institut de radiobiologie cellulaire et moléculaire), centre CEA de Fontenay-aux-Roses.
[2] Communiqué 17.01.2013 - L’effet néfaste du bisphénol A prouvé expérimentalement (Plos One, déc 2012).
[3] Substance ou mélange non produit par l’organisme altérant les fonctions du système hormonal, et induisant donc des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou sous-populations.
[4] En collaboration avec l’hôpital Antoine-Béclère à Clamart.