Les éléments transposables sont des séquences d’ADN capables de se déplacer dans les génomes. Ils en représentent une fraction significative et joueraient un rôle important dans leur évolution. En s’intégrant au sein de l’ADN, ces éléments peuvent contribuer à la plasticité du génome et à l’apparition de nouvelles fonctions cellulaires. A l’inverse, ils peuvent également provoquer des mutations mettant en péril la vie des cellules. Leur intégration se fait généralement dans des régions particulières, pauvres en gènes, où elle est moins délétère. Les mécanismes qui permettent cette intégration ciblée sont encore mal compris.
Les auteurs de cette étude se sont intéressés au rétrotransposon [5] Ty1 de la levure Saccharomyces cerevisiae pour étudier comment est déterminé le site d’intégration. Ty1 s’intègre dans une région, étroite à l’échelle du génome, située en amont de gènes précis, tous transcrits par un complexe enzymatique, l'ARN polymérase III (Pol III). En utilisant Pol III comme un appât, les chercheurs ont découvert qu’une des protéines de ce complexe, appelée AC40, interagit avec la protéine codée par Ty1 qui permet son intégration. La suite des analyses a montré que cette interaction est indispensable pour l’intégration ciblée de l’élément transposable. En effet, dans des cellules contenant une protéine issue d’une autre levure, équivalente à AC40 au niveau fonctionnel, mais qui n’interagit pas avec Ty1, celui-ci s’insère toujours efficacement dans le génome mais très rarement dans ses cibles habituelles.
L’étude révèle donc un des mécanismes par lesquels une séquence d’ADN mobile trouve sa cible. Elle dévoile aussi quelles sont les régions du génome où cette séquence s’intègre en l’absence de ce mécanisme de contrôle. Elle s’insère préférentiellement dans les zones situées aux extrémités des chromosomes, qui contiennent des familles de gènes non essentiels en conditions normales mais nécessaires à l’adaptation des levures à des changements environnementaux. Par ailleurs, l’expression de l’ARN polymérase III, qui conditionne l’insertion ciblée de Ty1, est dépendante des conditions environnementales. Ces résultats confortent donc l’hypothèse selon laquelle la mobilité des éléments transposables, souvent activée en réponse au stress environnemental, favoriserait la réorganisation du génome, permettant une adaptation des levures exposées à ces changements et facilitant leur survie.
Au-delà de l’avancée pour la recherche fondamentale, élucider le mécanisme d’intégration de Ty1 a également un intérêt pour la thérapie génique. Celle-ci utilise des vecteurs dérivant de rétrovirus afin de transférer des gènes au sein des cellules. Comme les rétrovirus, ces vecteurs s’intègrent souvent dans des régions riches en gènes où ils peuvent avoir des effets mutagènes. Les propriétés des éléments transposables comme Ty1 pourraient être exploitées pour limiter les impacts des vecteurs de transfert de gènes en contrôlant leur intégration dans des régions à moindre risque.
[1] Un élément transposable est une séquence d'ADN capable de se déplacer de manière autonome dans un génome. Présents chez tous les organismes vivants, ces séquences mobiles sont considérées comme des moteurs puissants de l'évolution et de la biodiversité.
[2] Laboratoire partenaire du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
[3] De l’Institut de biologie intégrative de la cellule (CNRS/CEA/Université Paris-Sud)
[4] Department of Genetics, Cell Biology & Development and Center for Genome Engineering (Université du Minnesota)
[5] Un rétrotransposon est un élément transposable particulier, capable de se répliquer sur un mode copier-coller donc de se multiplier et d’envahir un génome. Cette réplication passe par un intermédiaire ARN. Les rétrotransposons présentent des similarités avec les rétrovirus.