« Nous nous sommes rendus compte de ce record de capture du carbone
anthropique lorsque nous avons compilé les informations nécessaires à la
production du bilan annuel des émissions et de la capture du carbone
pour le Global Carbon Project, publié en 2012 », explique
Benjamin Poulter, qui a mené cette étude internationale en étant basé en
France au Laboratoire des sciences du climat et l’environnement (LSCE).
« Cependant, à ce moment là, les données climatiques et satellites ne
nous permettaient pas d’identifier la zone et les mécanismes de cette
anomalie. » C’est la combinaison de différentes analyses (modélisation
inverse [1]
du CO2 atmosphérique, modélisation de la dynamique de la végétation,
données satellitaires de la couleur de la végétation issues du capteur
AVHRR...) qui a permis de comprendre le phénomène.
« Nous avons
alors cherché des mécanismes similaires au cours des 30 dernières années
» précise Ranga Myneni, de l’université de Boston et co-auteur de
l’étude [2].
Les auteurs ont trouvé une sensibilité accrue de certains écosystèmes
aux changements de précipitations, notamment pendant les périodes
1982-1996 et 1997-2011, conduisant à une augmentation d’un facteur 4 de
la capture de carbone associée aux précipitations au cours des 30
dernières années. « Notre étude montre les impacts des activités
humaines sur ces zones semi-arides et sur le climat global. Cela doit
être pris en compte dans les réseaux d’observation et dans les modèles
du système Terre », indique encore Benjamin Poulter.
« Cependant,
il faut bien voir que ce record de 2011 n’aura pas de conséquence
majeure sur le long terme pour la capture du carbone anthropique », note
Philippe Ciais, chercheur au LSCE, co-auteur de l’étude [3].
« Les systèmes semi-arides sont des systèmes à cycle court pour le
stockage du carbone. On peut s’attendre à ce que ce carbone soit
rapidement relâché par la respiration de la végétation, ou par les feux.
Cela s’est déjà produit en 2012 et c’était une des causes de
l’augmentation rapide du CO2 atmosphérique cette année là. »
Ces
résultats soulignent la nécessité d’un effort de recherche sur ces zones
semi-arides, afin de mieux comprendre leur rôle dans la dynamique du
cycle du carbone et des événements climatiques extrêmes. Benjamin
Poulter et ses collègues vont examiner l’impact des feux et le rôle des
espèces invasives dans les systèmes semi-arides, pour mieux comprendre
des phénomènes de verdissement et les conséquences sur le cycle du
carbone.
[1] La modélisation inverse permet de remonter aux caractéristiques des sources de carbone à partir des mesures sur le terrain
[2]Principal responsable du développement de la base de donnée AVHRR pour la mesure de verdissement de la végétation
[3]auteur principal du groupe de travail n°1 du Giec
[4]1 Gigatonne = 1 Petagram, ou 1015 g.
Points clés de l’étude
- Capture de carbone par les écosystèmes terrestres : 3,7 à 4,1 Gigatonnes [4]
de carbone en 2011, soit environ 40 % des 10,4 Gigatonnes dues aux
émissions de CO2 associées à la combustion du carbone fossile et aux
changements d’utilisation des sols.
- Cette valeur de 40 % en 2011 est la plus grande depuis le début des observations en 1959.
- La modélisation inverse du CO2 atmosphérique, la modélisation de la
dynamique de la végétation et les données satellitaires de la couleur de
la végétation ont permis d’identifier les zones semi-arides de
l’hémisphère Sud, en particulier en Australie, comme responsables à
hauteur de 60 % de cette anomalie de capture de carbone en 2011.
- Cette année-là, une phase spécialement forte de La Niña a été responsable d’un accroissement des précipitations et d’une augmentation de la production de végétation.
- Cet extrême se superpose à une tendance à plus long terme au
verdissement des zones semi-arides en Australie. Ce rôle des zones
semi-arides et leur cycle court vis-à-vis du stockage du carbone est la
cause d’une augmentation d’un facteur 4 de la sensibilité aux
changements de précipitations du stockage du carbone.