Les calottes polaires forment une excellente
archive des variations passées de l'atmosphère et du climat polaire. Les
carottes extraites jusqu'à présent couvrent 800 000 ans d'histoire en
Antarctique et permettent de mieux connaître les variations passées du
climat. Un lien a été mis en évidence entre les températures
antarctiques et la teneur en CO2 durant le passé : de manière générale, les températures étaient élevées durant les périodes à forte teneur en CO2 atmosphérique et vice versa. Mais, l'effet de serre dû au CO2 aurait-il provoqué un réchauffement ? Ou bien est-ce l’inverse ?
Pour avancer sur cette problématique, les chercheurs ont tenté de déterminer qui du CO2
ou de la température variait en premier lors d’une hausse ou d’une
baisse commune. La question est complexe car on ne lit pas la
température et la teneur en CO2 d’un âge donné au même niveau
dans une carotte de glace : la température est enregistrée à la surface
des calottes polaires tandis que les gaz atmosphériques comme le CO2
sont piégés à environ 100 mètres de profondeur, là où les bulles se
forment (cette profondeur étant dépendante des conditions climatiques).
Autrement dit, les bulles de gaz sont toujours plus jeunes que la glace
qui les entoure.
Jusqu'à présent, cette profondeur de piégeage ainsi que le décalage temporel entre CO2
et température étaient déterminés à partir de modèles de tassement de
la neige. De précédents travaux avaient ainsi montré que la hausse du CO2
en Antarctique lors de la fin du dernier âge de glace (de -20 000 à -10
000 ans) avait commencé huit cent ans après celle de la température.
Une
équipe de scientifiques pilotée par deux laboratoires français, le
Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement
(LGGE[1], CNRS/UJF) et le Laboratoire des sciences du climat et de
l’environnement (IPSL/LSCE, CNRS/CEA/UVSQ), a mis en place une autre
technique afin d’estimer ce décalage temporel : les scientifiques ont
déduit la profondeur de piégeage des gaz à partir de l'isotope 15 de
l'azote des bulles d'air. En effet, cet élément est enrichi par
gravitation proportionnellement à la profondeur de piégeage. Ils ont
également appliqué une méthode statistique innovante pour déterminer la
température en Antarctique et son déphasage par rapport au CO2.
[1] Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble (OSUG)
Selon leurs résultats, le CO2
et la température antarctique ont varié en même temps à la fin du
dernier âge glaciaire, à 200 ans près. Cette découverte rend maintenant
probable l’hypothèse selon laquelle le CO2 ait été
responsable, au moins en partie, du réchauffement en Antarctique à la
fin du dernier âge glaciaire. Cependant, de nouvelles données et de
nouvelles simulations seront nécessaires pour déterminer précisément les
différentes contributions à ce réchauffement climatique passé naturel.
Les scientifiques ont d’ailleurs prévu d’étudier d’autres périodes et
d’analyser d’autres carottes avec ces mêmes méthodes.