Euro-Cordex : des prévisions plus fines sur le climat de l’Europe
Ces
nouvelles simulations confirment les projections présentées en
septembre dernier (3) pour la planète tout en donnant une vision
beaucoup plus précise sur l’Europe. Elles prévoient une hausse des
températures en Europe de 1°C à 5°C d’ici la fin du XXIe siècle, avec
des différences d’une région et d’une saison à une autre. L’Europe du
Sud devrait subir un réchauffement beaucoup plus rapide que l’Europe du
Nord en été, et le réchauffement hivernal serait plus rapide sur l’Est
et le Nord de l’Europe. Les précipitations devraient être plus fortes
sur le Nord de l’Europe et plus faibles sur le Sud. Dans pratiquement
tous les pays européens, les simulations projettent une fréquence accrue
des précipitations intenses, phénomènes bien mieux représentés
qu’auparavant grâce à la haute résolution obtenue. Des périodes sèches
plus longues et des vagues de chaleur plus fréquentes sont annoncées. La
France quant à elle a un futur contrasté avec une augmentation marquée
et généralisée des précipitations en hiver, ainsi qu’une augmentation
des périodes sèches en été, particulièrement dans sa partie méridionale.
Les simulations de haute résolution permettent de représenter des
phénomènes comme les précipitations intenses sur les massifs montagneux
(voir figure ci-dessous).
Dix modèles régionaux du climat
Lancé en 2011 dans le cadre de l’exercice international Cordex, le projet Euro-Cordex
a permis de réaliser un ensemble de projections climatiques pour le
XXIe siècle dédiées à l’Europe à une très haute résolution spatiale.
Pour cela, dix modèles régionaux du climat ont été utilisés dont deux
par la communauté française. Les projections ont été effectuées selon
trois scénarios de référence retenus parmi les quatre scénarios du 5e
rapport du GIEC : il s’agit de trois « trajectoires » plus ou moins
optimistes d’évolution des concentrations de gaz à effet de serre d’ici
la fin du XXIe siècle. Coordonnée par une équipe allemande, Euro-Cordex
implique plus d’une vingtaine d’organismes européens de recherche,
parmi lesquels le CNRS, Météo-France, le CEA, l’UVSQ et l’INERIS. Les
équipes françaises se sont ainsi fortement mobilisées pour cet exercice.
Elles ont bénéficié des supercalculateurs du CEA et de Météo-France
ainsi que d’une allocation GENCI.
Une centaine de simulations du climat de l’Europe pour le XXIe siècle
Au total, une centaine de simulations a été réalisée pour Euro-Cordex.
Une vingtaine d’entre elles se distingue par une résolution encore
jamais atteinte pour des projections sur toute l’Europe : 12 km. Ce
degré de précision permet de mieux représenter des phénomènes locaux
essentiels dans l’évolution du climat, comme les pluies intenses. Une
meilleure information est ainsi disponible pour les futures études sur
l’adaptation au changement climatique en Europe. Il est d’ores et déjà
envisagé d’étudier les impacts du changement climatique sur la qualité
de l’air et sur d’autres secteurs clés de l’économie, comme l’énergie et
l’agriculture. Le CNRS, le CEA, Météo-France, l’UVSQ et l’INERIS
participent actuellement aux analyses de ces simulations dont l’ensemble
a été rendu public le 1er décembre 2013. Ces données sont ainsi mises à
disposition notamment de la communauté scientifique et des services
climatiques dont l’objectif est de fournir de l’information climatique
aux acteurs économiques, industriels et politiques. Ces simulations
serviront aussi à alimenter le portail national DRIAS qui rassemble des
données sur les prévisions de l’évolution du climat en France.
(1)
Les laboratoires français concernés sont le Laboratoire des sciences du
climat et de l’environnement (LSCE/IPSL, CNRS/CEA/UVSQ) et le Centre
national de recherches météorologiques - Groupe d'étude de l'atmosphère
météorologique (CNRM-GAME, Météo-France/CNRS) ainsi que l’Institut
national de l’environnement industriel et des risques (INERIS).
(2) Ces analyses figurent notamment dans trois articles récemment publiés : Vautard, R. et al., 2012 : The simulation of European heat waves from an ensemble of regional climate models within the EURO-CORDEX project. Climate Dynamics, doi:10.1007/s00382-01-1714-z ; Jacob, D. et al., 2013, EURO-CORDEX: New high-resolution climate change projections for European impact research, Regional Environmental change, doi:10.1007/s10113-013-0499-2 ; Colette, A. et al., 2013 : European atmosphere in 2050, a regional air quality and climate perspective under CMIP5 scenarios. Atmos. Chem. and Phys., doi:10.5194/acpd-13-6455-2013
(3) Le volume 1 "Changement climatique 2013 : les éléments scientifiques" du 5e rapport d’évaluation du GIEC a été présenté le 27 septembre 2013 à l’issue de l’adoption du résumé à l’attention des décideurs.
Du global au local
Les modèles globaux de climat sont
utilisés pour produire des projections climatiques à l’échelle des
continents comme celles présentées en septembre dernier dans le premier
volume du 5e rapport du GIEC. Mais, compte tenu de la puissance actuelle
des supercalculateurs, leur résolution reste limitée : de 100 à 200 km,
ce qui ne permet pas de décrire des phénomènes se déroulant aux
échelles kilométriques, comme les pluies torrentielles d’automne ou les
épisodes de vents forts, ni ce qui se passe à proximité des côtes ou des
reliefs. Utiliser des modèles régionaux du climat permet d’augmenter la
résolution. Ceux-ci représentent plus finement une sous-partie du
globe, en utilisant les simulations globales notamment pour décrire les
conditions aux bords de cette sous-partie. Dans ce cas, la puissance des
supercalculateurs est essentiellement mise au service de la résolution
spatiale.
Cordex : un programme international de simulations régionales
En
parallèle de l’exercice de simulations climatiques à l’échelle globale
(CMIP5), il existe un autre programme international de simulations dont
l’objectif est de produire des simulations régionales à haute
résolution. Appelé Cordex,
il est coordonné par le Programme mondial de recherche sur le climat.
Lancé en 2010, il se concentre sur 13 régions prédéfinies à 50 km de
résolution maximum. Les climatologues français sont très impliqués dans Cordex sur sept zones : l’Arctique, l’Afrique, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud, l’Europe, la Méditerranée. Euro-Cordex est la composante de Cordex qui s’intéresse à l’Europe.
En France, les simulations pour le projet Euro-Cordex
ont pu être réalisées grâce aux supercalculateurs du CEA et de
Météo-France, à une allocation GENCI, ainsi qu'au projet européen FP7
IMPACT2C et au projet Salut’AIR
soutenu par l’ADEME et le ministère de l'Ecologie, du Développement
durable et de l'Energie. Le traitement des données et la mise en ligne a
été rendue possible grâce aux projets FP7 IS-ENES2 et Climate Knowledge and Innovation Community E3P.