Pour la première fois, une étude franco-suisse, impliquant des
chercheurs du LSCE[1] (CNRS/CEA/UVSQ[2]) et de l’École polytechnique
fédérale de Zürich (ETH Zürich), avec la société ARIA Technologies,
apporte des données déterminantes pour la prévision de tels événements
climatiques, notamment en Europe. En effet, les chercheurs ont montré
que ces fortes chaleurs se développent très rarement après des mois
pluvieux, de janvier à mai, sur le sud de l’Europe. Par contre, un hiver
et un printemps secs ne permettent pas de prévoir si l’été suivant sera
ou non marqué par de fortes chaleurs. Et avec le phénomène de
changement climatique global, la probable raréfaction des précipitations
en Europe du Sud devrait fortement augmenter l’apparition de vagues de
chaleur intenses, alors même que leur prévision en fonction des
précipitations restera très difficile.
Ces résultats viennent d’être publiés en ligne par la revue Nature Climate Change.
Durant
la dernière décennie, l’Europe a été marquée par une série de vagues de
chaleur estivales exceptionnelles, tels que les épisodes de canicule de
2003 en Europe et de 2010 en Russie. Lourds de conséquences pour nos
sociétés, ces étés très chauds préfigurent probablement le climat
estival à venir, sous l’effet du changement climatique. Mais la capacité
à prévoir ces événements demeure actuellement très faible. Une étude
effectuée par des chercheurs du LSCE (CNRS/CEA/UVSQ) et de l’École
polytechnique fédérale de Zürich (ETH Zürich), avec la société ARIA
Technologies, montre pour la première fois dans quelle mesure les
précipitations durant le printemps et l’hiver permettraient de prévoir
la fréquence de jours très chauds[3] durant l’été suivant, et les
raisons physiques qui sont à l’origine d’une telle prévisibilité.
Grâce
à l’analyse de plus de 60 ans de données de précipitations et de
températures provenant de plus de 200 stations météorologiques réparties
sur l’Europe, les chercheurs ont d’abord confirmé, à l’échelle de
l’Europe entière, plusieurs données concernant des régions sud-est de
l’Europe[4] : un hiver et un printemps pluvieux inhibent l’apparition de
fortes chaleurs estivales, alors qu’une sécheresse ou des pluies
limitées, mais restant dans la norme, favorisent leur apparition. Ce
sont exclusivement les précipitations localisées dans le sud de l’Europe
qui permettent la prévision de températures élevées sur la plus grande
partie de l’Europe (ouest et centre). Les chercheurs ont également
montré que la prévisibilité des fortes chaleurs dépend de la circulation
atmosphérique (cyclonique et anticyclonique). En effet, associée à des
conditions anticycloniques et après un épisode important de sécheresse,
l’énergie solaire est restituée par la surface terrestre sous forme de
chaleur sensible[5], amplifiant ainsi le phénomène de sécheresse. En
revanche, après un ou plusieurs mois pluvieux, une part importante de
cette énergie est utilisée pour l’évaporation de l’humidité des sols et
la transpiration des plantes, ce qui limite fortement l’augmentation des
températures. Même après un printemps très sec, de fortes
précipitations en début d’été peuvent, comme cela fut probablement le
cas en juin 2011, rapidement empêcher l’apparition de températures
élevées et donc d’épisodes de chaleurs intenses. Les fortes chaleurs se
développent donc très rarement après des mois pluvieux, de janvier à
mai, sur le sud de l’Europe. Par contre, un hiver et un printemps secs
ne permettent pas de prévoir si l’été suivant sera ou non marqué par de
fortes chaleurs.
[1] Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement qui fait
partie de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL).[2] Université de
Versailles St-Quentin-En-Yvelines.
[3]Jours dont la température moyenne est dans les 10% des températures les plus élevées.
[4] Hirschi, M. et al. Observational evidence for soil-moisture impact on hot extremes in southeastern Europe. Nature Geosciences 4, 17-21 (2010).
[5] La chaleur sensible concerne l'élévation ou la baisse de température d'un corps, sans changement de phase
[6]Voir également: Seneviratne, S.I., et al., 2012: Changes in climate extremes and their impacts on the natural physical environment. In: Managing the Risks of Extreme Events and Disasters to Advance Climate Change Adaptation
(IPCC SREX report) [Field, C.B., V. Barros, T.F. Stocker, D. Qin, D.J.
Dokken, K.L. Ebi, M.D. Mastrandrea, K.J. Mach, G.-K. Plattner, S.K.
Allen, M. Tignor, and P.M. Midgley (eds.)]
Les chercheurs ont aussi analysé la capacité de
14 modèles globaux de simulation du climat, utilisés pour les
projections climatiques futures en Europe, à représenter les relations
entre les précipitations printanières et les températures d’été. La
plupart de ces modèles montre effectivement l’existence de telles
relations, mais de façon atténuée : les températures d’été sont moins
corrélées avec les précipitations des mois précédents que dans les
observations. Les modèles qui simulent le mieux cette corrélation sont
ceux qui prévoient des tendances plus marquées que les autres modèles
pour l’évolution climatique : des hivers et printemps plus secs sur les
régions méditerranéennes[6] et des étés plus chauds sur l’Europe.
Schéma simplifié de la sensibilité des fortes chaleurs estivales à la
circulation atmosphérique estivale (possibilités dans les colonnes) et
aux conditions d’humidité des sols (possibilités dans les lignes). © B.
Quesada