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Anthropologie

Les premiers hommes modernes découverts hors d’Afrique


La sortie d’Afrique de notre espèce Homo sapiens vient d’être repoussée d’au moins 60 000 ans par rapport à ce que l’on pensait jusqu’à présent. C’est la découverte faite par une équipe internationale impliquant une trentaine de scientifiques, dont des chercheurs de l’Institut de recherche sur les archéomatériaux (CNRS/Université Bordeaux Montaigne/UTMB/Université d’Orléans) du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CNRS, CEA, UVSQ-université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines) et du laboratoire De la Préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie (CNRS/ministère de la Culture/université de Bordeaux). Les résultats sont publiés le 26 janvier 2018 dans Science. 

Publié le 25 janvier 2018
L’histoire de notre espèce – Homo sapiens – est plus longue et probablement plus complexe que ne le supposaient les scientifiques. A ce jour, les premiers fossiles humains modernes trouvés en dehors du continent africain, dans deux sites archéologiques d’Israël : Skhul et Qafzeh, sont datés d'environ 90 000 à 120 000 ans.
Cette semaine, une équipe internationale de chercheurs a décrit le plus ancien fossile d’Homme moderne jamais découvert hors d’Afrique dans Science. La partie gauche d’une mâchoire supérieure d’adulte comprenant une grande partie de la dentition a été trouvée sur le site archéologique de Mislya Cave, situé sur les flancs du mont Carmel au nord d’Israël, près de la ville d’Haïfa.
 
Pour cela, les chercheurs ont appliqué plusieurs méthodes de datation à différents matériaux découverts sur le site et au fossile humain lui-même pour déterminer son âge. Les résultats suggèrent que les fossiles datent d’une période comprise entre 177 000 et 194 000 ans, repoussant ainsi la première migration de l’homme moderne hors d'Afrique d'environ 60 000 ans. En outre, le fossile de Misliya a sensiblement le même âge que d’autres fossiles d'Homo sapiens découverts dans deux sites d’Afrique de l'Est.
 
Pour établir à quelle espèce humaine appartenait ce fossile, les chercheurs ont utilisé de multiples approches : mesures anthropologiques classiques sur la mâchoire et les dents, tomodensitométries (scanner) pour étudier son anatomie interne et analyser sa forme à l'aide de modèles virtuels 3D. La comparaison avec les fossiles d'hominidés africains, européens et asiatiques et avec les populations humaines récentes a montré que le fossile de Misliya est sans équivoque un Homme moderne.
 
Il y a environ 160 000 ans, la voute de la grotte de Misliya s'est effondrée protégeant jusqu’à aujourd’hui le fossile humain et les matériaux archéologiques enfouis dans les sédiments. Les riches vestiges révèlent que les habitants de la grotte de Misliya étaient des chasseurs de gibier de grandes espèces (aurochs, daims persans, gazelles) et qu’ils contrôlaient l’utilisation du feu dans des foyers. Ils utilisaient largement les plantes et des techniques innovantes et sophistiquées pour tailler la pierre (période du Paoléolithique moyen), similaires à celles associées aux premiers humains modernes en Afrique.

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Vues latérale, occlusale et oblique du maxillaire gauche (Misliya-1) découvert dans le gisement de Misliya Cave. Sont visibles à gauche les reconstructions virtuelles et à droite, le spécimen original. © DR


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Localisation du gisement de Misliya Cave et vue d’ensemble de cette grotte dont le toit rocheux s’est effondré au cours du Pléistocène supérieur. © DR


Alors que des fossiles plus anciens liés à l'Homme moderne ont été trouvés en Afrique du nord-ouest, mieux connaître le calendrier et les voies de la migration humaine moderne hors d'Afrique permet de mieux appréhender l'évolution de notre propre espèce.
La région du Moyen-Orient a constitué en effet un corridor important pour les migrations des premiers hommes durant le Pléistocène et elle a été occupée à différentes époques par des hommes modernes, des Néandertaliens et même des espèces humaines antérieures.
 
Les chercheurs Norbert Mercier, chercheur CNRS à l’Institut de recherche sur les archéomatériaux (CNRS/Université Bordeaux Montaigne/Université d’Orléans/UTBM)[1] et Hélène Valladas, chercheuse CEA au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CNRS, CEA/UVSQ-université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) ont participé à la datation du gisement. Selon ces chercheurs, « ces fossiles et leur datation apportent un éclairage nouveau sur les mouvements des premières populations de l’homme moderne, au Pléistocène moyen, entre l’Afrique et l’Eurasie ». Et ils ajoutent que « cette découverte va dans le sens des données génétiques qui soutiennent l’idée d’une diffusion de gènes modernes hors d’Afrique il y a un peu plus de 200 000 ans ».
 
Laura Martín-Francés, en post-doctorat Idex Bordeaux au laboratoire de la préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie – PACEA (CNRS/ministère de la Culture/université de Bordeaux)1 a participé à différents aspects de l’étude paléoanthropologique des restes de Miliya, en particulier le traitement d’échantillons de comparaison avec d’autres populations fossiles, nécessaires pour montrer l’appartenance de la mâchoire à Homo sapiens. Elle précise que « ce travail contribue à une meilleure compréhension de nos origines. Mais il ne s’agit pas que d’une étude anatomique de restes fossiles. En effet, ce travail collectif pluridisciplinaire qui associe des chercheurs issus de différentes spécialités et de différentes institutions à travers le globe, apporte également un contexte culturel, géographique et chronologique pour ces restes fossiles ».

[1] avec le soutien du Labex en sciences archéologiques de Bordeaux - LaScarBx
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