Actuellement, les océans et les écosystèmes terrestres,
principalement les forêts, absorbent chaque année à l’échelle globale
environ 54% du CO2 émis par la déforestation et la combustion de carbone fossile. Si ces puits n’existaient pas, la concentration de CO2 dans l'atmosphère augmenterait deux fois plus vite que ce qui est observé. Jusqu’à
présent, les calculs des contributions régionales ne prenaient en
compte que les émissions et ignoraient le rôle local des puits de
carbone présents dans l’océan et les écosystèmes.
La modélisation publiée dans la revue Nature Climate Change tient compte, dans la répartition région par région des émissions de CO2 et de leur évolution, du rôle modérateur joué par les écosystèmes régionaux, en particulier les forêts tropicales des pays d'Asie, d'Afrique et d’Amérique du Sud.
Philippe Ciais, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), explique que grâce à la modélisation, cette étude « trace » le CO2
produit par les émissions fossiles et la déforestation des différentes
régions, pour déterminer leur contribution à la croissance du CO2 dans l’atmosphère, en prenant en compte les puits de carbone dans les océans et dans les écosystèmes terrestres.
L’étude confirme que depuis 1850, les pays développés sont responsables de plus de 80 % de l’augmentation historique du CO2 dans l'atmosphère causée par les activités humaines, mais la part attribuée aux pays en développement augmente rapidement.
« Les émissions de CO2
par les pays émetteurs ont également contribué depuis 1850 à la
création de puits de carbone dans les écosystèmes, notamment par l'effet
fertilisant sur les sols du CO2 atmosphérique », explique Philippe Ciais. « Dans notre étude, seul l’effet du CO2
a été pris en compte parmi tous les gaz à effet de serre. Nous
constatons que plus de la moitié des émissions des pays africains et
latino-américains depuis 1850 a été compensée par leurs propres puits de
carbone, essentiellement les forêts. »
La modélisation indique que les émissions de CO2 des pays industrialisés ont créé des puits supplémentaires dans les régions tropicales, équivalent à 13 années de leurs émissions actuelles. Les pays en développement rendent ainsi une sorte de « service de puits » aux pays industrialisés.
En outre, ces travaux permettent d’explorer différentes façons d’allouer des efforts futurs de réduction des émissions de carbone, et peuvent aider à imaginer le niveau d'intervention nécessaire pour un scénario de stabilisation du climat.