Le Brésil connait un fort déclin des politiques de protection de l’environnement suite au changement du gouvernement en 2019. Cependant, aucune étude n’avait encore pu quantifier l’impact de ce changement politique sur les stocks de carbone de la forêt amazonienne. En effet, si l’étendue de la déforestation peut être assez bien évaluée grâce à des images satellites, les multiples dégradations de la forêt - tous les événements qui abîment une forêt sans pour autant la détruire comme des coupes ponctuelles d’arbres, les incendies ou les sécheresses - sont beaucoup plus difficiles à suivre.
À ce jour, un des rares moyens d’évaluer l’impact sur les stocks de carbone (la biomasse forestière) de ces dégradations liées au climat et aux activités humaines s’appuie sur l’indice satellitaire de végétation L-VOD mis au point par des chercheurs INRAE, CEA et CNRS. En utilisant cet indice et une nouvelle technique de suivi de la déforestation mise au point par l’université d’Oklahoma, l’étude a évalué l’évolution du stockage du carbone de la forêt amazonienne brésilienne entre 2010 et 2019.
L’étude montre une nette augmentation de la déforestation en 2019 (3,9 millions d’hectares), qui est 30 % supérieure à celle observée en 2015 lors de l’épisode de sécheresse extrême d’El Niño, et qui est multipliée par 4 par rapport aux années 2017 et 2018. Mais en analysant l’évolution des stocks de carbone, donc en ajoutant les dégradations de la forêt, il s’avère que c’est en 2015 que les pertes de carbone de la forêt ont été les plus importantes : trois fois plus qu’en 2019. Cela indique un impact du climat très important sur la forêt pendant l’épisode El Niño, lié à une augmentation de la mortalité des arbres et des dégradations dues aux feux.
Les résultats, qui complètent et précisent le bilan carbone neutre de l’ensemble de l’Amazonie sur la période 2010-2017, montrent aussi une inversion de tendance historique pour la forêt brésilienne. Durant la période 2010-2019, les pertes de carbone de la forêt amazonienne brésilienne sont supérieures aux gains de carbone d’environ 18 %. Cela signifie que la forêt amazonienne brésilienne dans son ensemble a maintenant perdu de sa biomasse, et donc a rejeté du carbone. Les résultats montrent également que le principal moteur de ces pertes de carbone sont les dégradations de la forêt, qui ont un impact trois fois supérieur à la déforestation.
Au-delà de la déforestation, l’étude montre la nécessité pour les politiques de protection de l’environnement de prendre en compte les dégradations des forêts, afin de les protéger au mieux et de préserver leur capacité de stockage du carbone, essentielle pour atténuer le changement climatique.
Que sont les dégradations forestières ?
Ce qu’on appelle dégradations de la forêt sont tous les événements qui abîment une forêt sans pour autant la détruire. Ces dégradations sont bien sûr liées à la déforestation, avec notamment les fragments de forêt situés en bordure des zones déforestées qui sont fragilisés, mais elles sont aussi directement causées par les coupes ponctuelles d’arbres et les incendies. Par ailleurs, des événements climatiques, comme des sécheresses, augmentent la mortalité des arbres ou les pertes de branches et de feuilles au sein d’une forêt. Si l’étendue de la déforestation peut être assez bien évaluée grâce à des images satellites, les multiples dégradations de la forêt sont beaucoup plus difficiles à suivre. À ce jour, un des rares moyens d’évaluer l’impact sur les stocks de carbone (la biomasse forestière) de ces dégradations liées au climat et aux activités humaines s’appuie sur l’indice satellitaire de végétation L-VOD mis au point par des chercheurs INRAE, CEA et CNRS.