La Méditerranée est un laboratoire naturel qui permet d’étudier
l’effet du réchauffement climatique et de prédire la qualité de l’air
d’une grande partie de l’Europe. Plus d’une centaine de scientifiques
d’une dizaine de pays [1] sont mobilisés dans et autour du bassin
occidental pour réaliser l’inventaire le plus complet jamais réalisé des
espèces chimiques présentes dans l’atmosphère, de leurs transformations
au cours du transport des masses d’air, et de leurs impacts sur le
climat régional.
Une vaste panoplie de moyens d'observation sera
déployée en Méditerranée nord-occidentale : des avions pour réaliser des
mesures aéroportées et radiosondages, des ballons dérivants, des
ballons sondes, ainsi qu’un voilier fonctionnant avec une pile à
hydrogène, pour ne pas polluer les relevés. En parallèle, les mesures
depuis le sol seront renforcées sur huit sites en France, en Italie et
en Espagne, grâce à la mise en place d'instruments de mesures
atmosphériques (lidars, radiomètres, compteurs de particules, analyseurs
chimiques de différentes sortes…).
L’une des innovations mises en
œuvre dans ChArMEx, testée en 2012, est le déploiement couplé de
ballons dérivants et d’avions : capables de suivre l’évolution de la
concentration en ozone ou en particules, les ballons servent également
de traceurs aux avions pour analyser les mêmes masses d’air à plusieurs
étapes de leur transport. Ces ballons permettront pour la première fois
de suivre en continu au fil de l’air l’évolution de la concentration en
ozone et celle de la granulométrie des particules sur plusieurs
centaines de kilomètres. Il s’agit d’un moyen particulièrement puissant
de tester la formation d’ozone et la sédimentation des poussières
prévues par les modèles.
Lancé en 2010, ChArMEx a déjà fait
l’objet d’une première campagne de mesures intensives en juin- juillet
2012. Celle-ci a d’ores et déjà apporté des résultats particulièrement
étonnants :
- première surprise, la pollution en particules fines mesurée au Cap
Corse, dans un lieu isolé des sources de pollution, a été plus forte que
celle mesurée pendant la même période dans la banlieue parisienne ;
- deuxième surprise, l’observation par ballon sonde au-dessus de
Martigues (Provence) a révélé de grandes quantités de particules de
poussières sahariennes de diamètre compris entre 15 et 30 micromètres,
considérées généralement comme étant trop lourdes pour être transportées
si loin de leurs sources, et qui ne sont généralement pas prises en
compte par les modèles.
Si de telles observations se reproduisent, cela indiquerait que les
modèles sous-estiment par exemple les transferts de poussières
désertiques qui contribuent à fertiliser la surface de la Méditerranée,
et qu’il faut expliquer comment celles-ci restent aussi longtemps en
suspension dans l’air.
D'une envergure sans précédent en
Méditerranée nord-occidentale, la campagne de l'été 2013 permettra
d'engranger un nombre considérable de données, notamment sur les zones
encore peu couvertes par les précédentes campagnes de mesures. Ces
résultats contribueront à affiner la représentation des processus dans
les modèles climatiques et de prévision de qualité de l’air.
La Méditerranée, laboratoire climatique de l’Europe
Située à
la confluence de plusieurs déversoirs naturels drainant l’air provenant
des continents limitrophes (l’Europe et l’Afrique), cette région est le
réceptacle de toutes sortes de pollutions :
- d’origine humaine, venant surtout du nord et se déversant dans le
bassin via les grandes vallées fluviales (Rhône, Pô) ou de grands
complexes industriels et urbains (Barcelone, Marseille, Gênes, Alger,
Sfax) ;
- d’origines naturelles, venues du cœur du Sahara sous la forme de gigantesques panaches de poussières désertiques.
Toutes ces pollutions convergent dans le bassin qui, cerné de toute
part par des reliefs, fait office d’immense réacteur chimique. Sous
l’effet du climat méditerranéen, chaud, ensoleillé et sec, cette
pollution évolue : de nouvelles espèces chimiques apparaissent, tandis
que d’autres se transforment, ou disparaissent. Une partie de cette
pollution va acquérir une nocivité accrue, donnant lieu à la formation
de l’ozone et des poussières ultrafines susceptibles de causer des
troubles respiratoires et cardiovasculaires. Elle va aussi modifier le
climat en provoquant plus de sécheresse encore. Le début d’un cercle
vicieux qui fait peser un risque sanitaire sur la population.
[1] France, Espagne, Italie, Irlande, Allemagne, Malte, Algérie, Grèce, Chypre, Liban, Turquie, Israël, Maroc, Tunisie.
[2] CNRS, IRD, Météo-France, Ademe, BRGM, CEA, Cirad, Irstea, CNES, Ifremer, IFP, Inra, IRSN.
ChArMEx-France implique près de 120 scientifiques d’une vingtaine
de laboratoires, ainsi que les partenaires suivants : le CNRS, l’ADEME,
le CNES, l’ANR, le CEA, Météo-France, la Collectivité Territoriale de
Corse, Qualitair Corse, la Région Paca, Airpaca, l’École des Mines de
Douai, l’École polytechnique, L'Ineris, ainsi que les Universités de
Aix-Marseille, Clermont-Ferrand, Paris Diderot, Littoral Côte d’Opale,
Joseph Fourier, Lille 1, Lyon, Paris-Est-Créteil, Pierre-et-Marie-Curie,
Strasbourg, Toulouse III, Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.
ChArMEx
s'inscrit dans le méta-programme international et interdisciplinaire
MISTRALS (Mediterranean Integrated Studies aT Regional And Local Scales,
2010-2020) dédié à la compréhension du fonctionnement du bassin
Méditerranéen et piloté par le CNRS. MISTRALS France est soutenu par 13
organismes [2] .