En termes d’applications, ces résultats permettront d’exploiter
la grande variété des enzymes hydrogénases issues de la biodiversité,
voire à plus long terme « d’inventer » des enzymes artificielles,
catalyseurs potentiels pour les piles à combustibles ou pour la
production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables.
Ces résultats sont publiés online sur le site de la revue Nature le 26 juin 2013.
La
production d’hydrogène par électrolyse de l’eau et son exploitation
ultérieure comme carburant, par exemple dans les piles à combustibles,
offre des perspectives intéressantes dans le domaine du stockage des
énergies, notamment renouvelables. Mais, ces techniques à la fois
performantes et prometteuses nécessitent l’utilisation de catalyseurs à
base de métaux nobles, chers et peu abondants, comme le platine. Il faut
donc trouver des solutions alternatives.
Certains
microorganismes, notamment des micro-algues, sont capables de produire
de l’hydrogène ou d’utiliser l’hydrogène comme source d’énergie pour
alimenter leur métabolisme. Ils utilisent comme catalyseur des
métalloenzymes, à base de métaux abondants comme le fer. Ces
métalloenzymes douées de propriétés catalytiques remarquables sont
appelées hydrogénases. Elles représentent aujourd’hui des alternatives
naturelles au platine pour l’élaboration de bioélectrolyseurs ou de
biopiles à combustible de plus en plus efficaces. Toutefois, les sites
actifs de ces enzymes sont complexes et leur biosynthèse nécessite des
machineries biologiques spécifiques, encore mal connues et mal
caractérisées, qui ne fonctionnent efficacement qu’in cellulo.
Des chercheurs du CEA, du Collège de France, du CNRS et de l’université
Joseph Fourier à Grenoble [2], membres du Labex ARCANE [3], viennent de
mettre au point un réactif qui est capable de transformer, in vitro
et avec une grande efficacité, une hydrogénase inactive [4] en une
hydrogénase totalement active. Ce réactif original, constitué d’un
complexe biomimétique de synthèse (un petit cluster de fer
analogue du site actif) et d’une protéine qui le stabilise, est capable
de réagir avec l’hydrogénase inactive en lui transférant la partie
biomimétique synthétique. La structure de cette dernière est
suffisamment proche du site actif naturel pour qu’elle confère à
l’enzyme ainsi reconstituée sa puissance catalytique naturelle. Pour
arriver à un tel résultat, les chercheurs se sont appuyés sur une
approche multidisciplinaire combinant chimie organométallique et
biomimétique, chimie des protéines et spectroscopies.
Cette activation « artificielle » des hydrogénases ouvre de formidables
perspectives tant en termes de recherche fondamentale qu’en termes
d’applications. Ces résultats permettront de mieux comprendre l’impact
de l’environnement protéique sur la réactivité du site actif de
l’enzyme. Sur le plan des applications, ces nouvelles données
faciliteront l’exploration de la biodiversité des hydrogénases, à la
recherche de l’enzyme la plus efficace et la plus stable pour des
utilisations technologiques.
Ce procédé pourrait à terme permettre, via
la synthèse d’analogues de sites actifs diversifiés, « d’inventer » de
nouvelles enzymes, des hydrogénases artificielles. Autant de nouveaux
catalyseurs potentiels pour les piles à combustibles de demain ou pour
la production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables.
[1] Laboratoire de chimie et de biologie des métaux (unité mixte
CEA/CNRS/Université Joseph Fourier) - IRTSV (Institut de recherches en
technologie et sciences pour le vivant) – INAC (Institut nanosciences et
cryogénie).
[2] En collaboration avec l’Institut Max Planck de Mülheim pour la
Conversion Chimique de l’Energie et l’université de la Ruhr à Bochum, en
Allemagne.
[3] Le Labex ARCANE est un laboratoire d'excellence dans le domaine de
la chimie durable au service de la santé et des énergies renouvelables
qui réunit l'ensemble des acteurs signataires de cette publication.
[4] Hydrogénase à laquelle il manque le site actif, on parle d’apo-hydrogénase.
Vue d’artiste montrant le site actif d’une hydrogénase [FeFe] d’abord
assemblé in vitro avant d’être inséré dans l’enzyme issue d’une
micro-algue verte (les atomes de fer, de soufre, d’azote, de carbone et
d’oxygène sont respectivement représentés en orange, jaune, bleu, gris
et rouge) © MPI-CEC Mülheim