Les très fortes précipitations affectent à la fois la composition des sols et la qualité de l'eau. En effet, elles « lessivent » les sols, en entraînant les ions nitrates (NO3-) vers les nappes phréatiques. Les sols perdent alors les nutriments azotés nécessaires à la croissance des plantes et les eaux souterraines peuvent devenir impropres à la consommation. Or le changement climatique va renforcer les précipitations extrêmes que nous observons déjà. Dans ce contexte, la gestion durable de la qualité de l'eau constitue un grand défi.
Pour le relever, une collaboration impliquant le LSCE a voulu préciser les pertes d'azote des principales cultures vivrières (maïs, riz, blé) consécutives à des précipitations anormales.
En utilisant un modèle agricole global (Python-based Environmental Policy Integrated Climate), les chercheurs montrent que la probabilité de précipitations extrêmes a été inférieure à 3 % au cours des trente dernières années, mais les pertes d'azote associées ont représenté 22 à 56 % du stock moyen d'azote. D'ici à 2100, cette probabilité pourrait être portée à plus de 20 %, avec des pertes d'azote atteignant 60 à 90 % du stock !
Selon l'étude, ces pertes d'azote « extrêmes » ne sont que peu sensibles à un apport d'azote (engrais), à la température ou aux propriétés du sol. En réalité, c'est un tout autre paramètre qui les gouverne : l'augmentation des précipitations d'une année par rapport à celle de l'année précédente (différentielle).
En s'appuyant sur ce résultat, l'équipe de recherche a proposé une stratégie d'atténuation des pertes d'azote extrêmes, appelée CLEANS (Climate Extreme Adaptive Nitrogen Strategy). Celle-ci est élaborée à l'aide d'un modèle d'apprentissage automatique qui réduit l'apport d'engrais (azote) les années où le paramètre gouvernant les pertes d'azote dépasse un seuil et optimise les seuils (région par région), ainsi que les ratios de réduction de l'apport d'engrais.
Les chercheurs ont pu tester l'efficacité de CLEANS à l'aide de leur modèle. La méthode pourrait réduire de manière significative les pertes d'azote extrêmes sans compromettre le rendement des cultures. Cette découverte permet aussi de modérer la pollution azotée imputable à la production agricole, tout en garantissant la sécurité alimentaire.