Depuis qu'il est devenu un département français en 2011, le territoire de Mayotte enregistre une forte croissance démographique qui s'explique en partie par le flux migratoire en provenance des îles voisines. La surpopulation qui en résulte conduit à de profonds changements d'usage des sols : urbanisation anarchique, déforestation, abandon des pratiques agricoles traditionnelles comme le « jardin mahorais » au profit de monocultures intensives… Or, ces changements induisent des pressions environnementales très fortes. Par exemple, l'accélération des phénomènes érosifs tend à remplir de sédiments les retenues destinées à l'alimentation de l'île en eau potable. Sans compter l'augmentation du risque de catastrophes naturelles (inondations, glissements de terrain), et les menaces qui pèsent sur la biodiversité unique de l'île.
© A.Foucher/CEA
Deux équipes du LSCE et du BRGM ont cherché à reconstruire l'impact de ces pressions humaines à partir de l'étude de carottes sédimentaires prélevées dans la retenue de Dzoumogné, l'un des principaux réservoirs de l'île en eau potable. Pour ce faire, les chercheurs ont développé une méthodologie originale couplant des analyses d'ADN environnemental, de traçage sédimentaire et de rétro-observation de l'érosion.
L'impact des pressions humaines sur les ressources en sol et en eau
Les principaux résultats soulignent l'occurrence de deux périodes d'accélération de l'érosion des sols : la première juste après la départementalisation de l'île de 2011 à 2015, puis une seconde entre 2019 et 2021 due aux pressions migratoires et démographiques soutenues. Entre ces deux périodes, la diminution de l'érosion s'explique par une baisse des précipitations qui a plongé l'île dans de profondes crises de l'eau en 2016 et en 2017. Par ailleurs, les analyses d'ADN environnemental ont mis en évidence des changements de communautés biologiques dans les sédiments de la retenue, ce qui reflète une augmentation de la connectivité entre le réservoir et des parties du paysage, comme la forêt, jusque-là peu affectées par l'érosion.
Les résultats tendent également à souligner que l'intensification des pratiques agricoles, associée à la diminution du niveau de l'eau de la retenue durant les crises de l'eau, participe à la dégradation de la qualité de l'eau. « Des mesures de conservation urgentes sont nécessaires pour éviter l'occurrence de crises socio-environnementales majeures et protéger les ressources de ce territoire pour les générations futures », insiste Anthony Foucher, chercheur du LSCE.