2023, les stigmates de la sécheresse de l'été passé sont encore visibles : herbes roussies ; arbres aux feuilles desséchées ; lacs aux niveaux très bas. Même si la tentation est grande d'établir un lien avec le réchauffement climatique, il existe peu d'études scientifiques menées sur ce genre d'évènements extrêmes. C'est pourquoi une collaboration du LSCE et de l'université de Bologne s'est intéressée à ce phénomène « sans équivalent de par son intensité et son étendue géographique », tel que le décrit Davide Faranda, climatologue du CNRS.
Les chercheurs ont regardé d'une part les données globales compilées depuis 1836 pour le monde entier par des équipes américaines et, d'autre part, la physique des équations de thermodynamique. Ils ont divisé la base de données en deux périodes, avant 1945 et entre 1945 et 2021, pour distinguer les évolutions d'émissions des gaz à effet de serre (GES). Si des épisodes de sécheresse sont bien présents, principalement dans la seconde période, ils se cantonnent à l'échelle de certaines régions de certains pays. Rien à voir avec la sécheresse de 2022 qui ne se distingue pas tant dans sa durée mais par son intensité et son ampleur géographique couvrant toute l'Europe de l'Ouest. Du jamais vu donc. « Sauf en 2017, avec une première similarité. D'ailleurs, depuis cette date et jusqu'à aujourd'hui en 2023, le Nord de l'Italie demeure dans un état très préoccupant », note le scientifique.
Corréler les émissions de gaz à effet de serre avec la pression atmosphérique
Selon la méthode dite d'« analogues de circulation », les chercheurs ont analysé les flux atmosphériques des différentes sécheresses recensées. L'évènement extrême de 2022 se caractérise par une anomalie anticyclonique, une persistance des hautes pressions. Pour expliquer ce phénomène et établir son lien avec les émissions de GES liées aux activités humaines, le climatologue utilise l'image de la montgolfière : « c'est simple : lorsque l'on veut faire voler un ballon, on le chauffe, il se dilate et s'élève. Là c'est pareil, les GES chauffent la température de l'air, l'anticyclone monte dans l'atmosphère mais lorsqu'il atteint la limite, celle de la troposphère, il s'étale et devient plus intense ».
Ces anomalies de pression atmosphérique plus grandes et plus étendues ainsi que des températures plus élevées à la surface entraînent des sécheresses intenses provoquant notamment l'assèchement des sols par évapotranspiration. Et ces conditions, ce sont aussi celles qu'une partie de l'Europe observe en cet hiver 2023, alors qu'il n'a pas plu depuis 30 jours, tel que l'annonce Météo-France.