En 2014, une équipe du LSCE a installé un spectromètre laser analyseur à Ny-Ålesund, au Svalbard (Norvège). Elle a ainsi pu enregistrer en continu, de mai 2014 à septembre 2018, la composition isotopique de la vapeur d'eau dans cet archipel de l'Arctique. Cette séquence est la plus longue jamais observée dans une région polaire.
Un second spectromètre laser installé à 2 km de Ny-Ålesund, plus en altitude (474 m au-dessus du niveau de la mer), a permis de vérifier la cohérence des données fournies par les deux instruments pendant 20 jours, éliminant un éventuel biais hyperlocal qui aurait pu affecter l'instrument de suivi.
Comment les climatologues exploitent-ils leurs mesures ? La teneur en oxygène 18 (δ18O) signe les variations de température et de l'humidité au site d'étude. Un signal isotopique plus complexe, appelé excès en deutérium (2H) et désigné par la lettre d – combinant les variations de teneur en deutérium (δ2H) et δ18O – traduit les variations de température de l'océan à l'endroit de l'évaporation.
Ainsi, un « événement » du début de février 2017 est marqué par une dissonance entre les deux marqueurs isotopiques. δ18O augmente, indiquant un réchauffement de la masse d'air et une augmentation de l'humidité au site d'étude. L'excès en deutérium, d, diminue, ce qui indique que la source de l'évaporation s'est réchauffée. Cette déduction est en accord avec la reconstruction des trajectoires des masses d'air par les modèles météorologiques, qui indiquent un déplacement rapide des sources d'évaporation de l'Arctique vers l'océan Atlantique Nord, plus chaud.
La situation est différente pour un événement de décembre 2017, qui ne montre pas de réchauffement des sources d'évaporation. Dans ce cas, les rétrotrajectoires montrent que les masses d'air transportant l'humidité sont restées dans le secteur arctique.
Ces résultats démontrent la valeur ajoutée d'une surveillance isotopique à long terme de la vapeur d'eau pour mieux comprendre l'origine de l'humidité en Arctique et la dynamique atmosphérique. Ils ouvrent aussi une perspective nouvelle pour l'analyse des carottes de neige forées au Svalbard.
Par ailleurs, une étude de la neige en Antarctique de l'Est a établi que certaines anomalies du δ18O s'expliquent par des variations atmosphériques (dépressions ou anticyclones) à grande échelle dans l'hémisphère sud, qui forcent des masses d'air océanique relativement chaudes à pénétrer à l'intérieur du continent Antarctique.