Les éruptions volcaniques relâchent des quantités importantes de dioxyde de soufre (SO2), un gaz qui se transforme par oxydation au contact de l'atmosphère en particules fines ou aérosols sulfatés (SO4). Ceux-ci sont étroitement surveillés car ils dégradent la qualité de l'air et, en raison de leur petite taille, peuvent pénétrer profondément dans les poumons, exacerbant les symptômes de l'asthme et les maladies cardio-respiratoires.
Jusqu'à présent, la plupart des études avait porté sur le SO2, un traceur non ambigu du panache volcanique. Cependant, alors que la pollution en SO2 disparaît en quelques jours, la longue persistance des sulfates volcaniques pose la question des conséquences des éruptions et des dégazages (hors éruption) sur la qualité de l'air, la santé et le climat. Quelles sont les zones géographiques affectées par les pollutions volcaniques ? Combien de temps celles-ci peuvent-elles durer ? Peut-on les distinguer d'autres pollutions industrielles ?
Pour en savoir plus, une équipe internationale a étudié l'impact de la dernière éruption islandaise – l'éruption Holuhraun du volcan Bárðarbunga, en 2014-2015 – sur la pollution soufrée de l'air en Europe.
Cet impact se révèle très étendu, de la France au nord de la Scandinavie. La pollution en SO2 dans ces régions est essentiellement volcanique. L'origine de la pollution particulaire en sulfates (SO4) est, quant à elle, plus délicate à établir en raison de sa persistance pendant plusieurs semaines. Grâce à la simulation numérique des trajectoires des particules, les chercheurs démontrent que l'éruption n'est que l'une des sources principales avec les émissions industrielles d'Europe de l'Est et de Grande-Bretagne. Ils déterminent aussi à quelle vitesse la concentration en sulfates augmente dans le panache volcanique.
Comment ont-ils procédé ? Ils ont collecté les observations du vaste réseau de mesures au sol de qualité de l'air EMEP (European Monitoring and Evaluation Programme) et les ont analysées conjointement avec des données satellitaires, dans des environnements proches et éloignés d'activités industrielles fortement émettrices de soufre.
Les mesures au sol mises en œuvre à Dunkerque et au SIRTA (Site instrumental de recherche par télédétection atmosphérique), à Palaiseau, ont bénéficié d'une technologie innovante, autorisant le suivi de la composition chimique des aérosols par spectrométrie de masse : ACSM (Aerosol Chemical Speciation Monitor). Les signatures chimiques ainsi obtenues permettent de distinguer aérosols volcaniques et aérosols « classiques », ainsi que sulfates volcaniques et sulfates industriels nouvellement émis.