La baisse de consommation des énergies fossiles passera - en partie - par le report vers les vecteurs ‘bas-carbone’. C’est aujourd’hui le cas de l’électricité en France, et pour des quantités plus faibles des biocarburants (tant qu’ils sont produits de manière durable) et de la récupération de chaleur fatale.
Pour illustrer le potentiel de ce report, nous avons choisi les exemples du transport routier et du besoin de chauffage du résidentiel et tertiaire. Rappelons avant tout que ces deux secteurs sont responsables de respectivement 30% et 15% des émissions de GES sur le territoire.
Le secteur du bâtiment est aujourd’hui susceptible de réduire fortement sa consommation d’énergie, notamment par des gains d’efficacité énergétique réalisés à la fois en rénovant les bâtiment les moins bien isolés (Classes Énergétiques F, G) ; et en remplaçant les chaudières au gaz et au fioul par des pompes à chaleur (PAC).
En effet, les pompes à chaleur, lorsque leur installation est possible, produisent en moyenne 3 unités de chaleur pour une unité d’énergie électrique consommée, comme l’illustre le schéma de principe ci-dessous.
Dans un rapport du
SDES faisant état de l’efficacité des différentes mesures de rénovation du parc immobilier français réalisées de 2016 à 2019, celui-ci indique que la rénovation, d’une part de la toiture, des murs et du plancher, d’autre part le remplacement des moyens de chauffage et de l’Eau Chaude Sanitaire (ECS) sont les actions les plus efficaces pour réduire la consommation énergétique. En 2019, ces deux leviers représentaient respectivement 57% et 39% des économies d’énergie générales.
Afin de comprendre dans quelle mesure le développement massif des pompes à chaleur sur le territoire pourrait affecter la production de chauffage, plaçons-nous dans le scénario suivant : ‘Demain, 50% des chaudières à gaz et au fioul seront remplacées par des pompes à chaleur avec un coefficient de performance (COP) de 3’. Attention, il s’agit là d’un choix arbitraire, le curseur pourrait être poussé dans un sens comme dans l’autre. C’est un scénario caricatural à des échéances courtes1 mais qui permet de souligner le potentiel et les limites d’une telle solution technologique.
Le résultat de cette expérience de pensée est présenté sur le visuel ci-dessous.
On lit sur la barre de gauche la répartition par source du besoin de chauffage en 2019 (400 TWh), à droite la répartition de ce même besoin dans le scénario d’électrification ‘50% PAC’ décrit précédemment. Voici les principaux messages de ce graphique :
- On observe une baisse de 50% des énergies fossiles pour atteindre 110 TWh.
- Les pompes à chaleur produisant plus d’énergie thermique que d’électricité consommée2, la consommation totale d'énergie baisse de 70 TWh.
Loin de s’affranchir des énergies fossiles, le développement des pompes à chaleur dans ce scénario '50% PAC' permettrait toutefois d’en réduire l’usage. Pour se décarboner davantage (en dehors d'une électrification plus importante), il est aussi possible de récupérer la chaleur dite ‘fatale’ , majoritairement produite lors de procédés industriels et qui serait perdue si elle n’était pas valorisée. En France,
une étude de l’ADEME menée en 2017 évalue le potentiel de chaleur fatale qui pourrait être récupérée à 109.5 TWh thermique (dont 53 TWh à plus de 100°C
3), sous réserve de développer des infrastructures adaptées, comme des
réseaux de chaleur urbains. Il s’agit donc d’un potentiel hypothétique.
La valorisation de cette chaleur fatale pourrait subvenir au besoin de chauffage et ce potentiel est comparé au besoin 2019 et celui du scénario ‘50% PAC’ sur le visuel suivant.
Ce graphique montre que le potentiel total de récupération de chaleur fatale est du même ordre de grandeur que la consommation de fossiles pour répondre au besoin de chauffage dans le cas du scénario ‘
50% PAC’. Attention cependant, cette chaleur fatale ne peut être valorisable qu’en développant des infrastructures de transport de chaleur entre les sites industriels et les sites où elle sera utilisée. Les
réseaux de chaleur urbains fonctionnant pour la majorité en France à plus de 100°C, la chaleur fatale produite à moins de 100°C (plus de la moitié) ne pourra pas être valorisée directement.
Dans le scénario d’électrification ‘50% PAC’, on observe une baisse de 50% de la consommation des énergies fossiles. Les pompes à chaleur produisant plus d’énergie thermique que d’électricité consommée, la consommation énergétique totale baisse de 70 TWh.
La consommation de fossiles — gaz, pétrole, charbon — est alors d’un peu plus de 100 TWh. C’est du même ordre de grandeur que le potentiel maximum de récupération de chaleur fatale en France. Même s’il ne s’agit là que d’un potentiel, la valorisation de la chaleur fatale permettrait de décarboner en partie la production de chaleur, si des réseaux de chaleur urbains sont disponibles pour la transporter.