La morphogenèse regroupe l'ensemble des mécanismes qui induisent l'apparition de formes dans des systèmes initialement homogènes. Révélés par la chimie et la physique, ces mécanismes sont responsables de l'apparition de structures régulières en biologie. C'est une nouvelle morphogénèse qui vient d'être découverte en étudiant l'auto-organisation des microtubules.
En reconstituant un système in vitro avec des moteurs moléculaires dirigés vers les deux extrémités des microtubules, les chercheurs ont découvert que ces moteurs non seulement déplaçaient les microtubules, mais les alignaient en formant des « barrières ». Dans le même temps, ces moteurs se séparaient en domaines distincts, créant une structure à la fois ordonnée et dynamique où les microtubules et moteurs s'influencent mutuellement. Cette organisation est en constante évolution, pouvant changer de forme ou disparaître selon les forces en jeu. Une approche théorique a mis en équation l'équilibre nécessaire entre le transport et la diffusion des moteurs moléculaires, déterminant ainsi les conditions précises d'apparition des motifs réguliers, et a révélé qu'un déséquilibre dans la concentration des moteurs, et donc dans les forces exercées sur les microtubules, empêchait la formation des motifs, provoquant un mouvement constant des microtubules. Il a également été identifié les conditions exactes où une légère variation de la concentration des moteurs faisait passer le système expérimental d'un mouvement permanent des microtubules à leur immobilisation soudaine, entraînant l'apparition de domaines alternés.
Superposition d'images obtenues par microscopie TIRF (imagerie par ondes évanescentes) permettant de visualiser les microtubules (jaune), et deux moteurs moléculaires : KIF5B (magenta) et NCD (cyan) à différentes concentrations. De gauche à droite, les concentrations de KIF5B augmentent de 1 à 4 nM tandis que les concentrations de NCD diminuent de 6 à 1 nM. La densité des microtubules est d'environ 1 microtubule par µm2.
À l'image de l'auto-organisation observée in vitro, les microtubules s'alignent souvent dans les cellules avec des polarités orientées dans la même direction, et les moteurs de même polarité tendent à former des domaines plus concentrés en accord avec leur direction de déplacement.
Cette hypothèse pourrait remettre en question les modèles actuels des mécanismes par lesquels les cellules définissent leurs axes d'orientation. Ces travaux ouvrent ainsi de nouvelles perspectives sur l'organisation interne des cellules.
Collaborations
CEA/IRIG
CEA/ESPCI
CNRS/LPCV
Collège de France
Financements
ANR Sharp AAPG2022-PRC-SHARP attribuée à Manuel Théry et Jean-François Joanny.
ANR Sensation ANR-23-CHBS-0013 France 2030 attribuée à Manuel Théry.