Certaines protéines fluorescentes de la famille des GFP (
Green Fluorescent Protein), dites « phototransformables », changent de conformation lorsqu’elles sont éclairées à des longueurs d’onde spécifiques. Elles peuvent alors être commutées « à volonté » entre des formes fluorescentes et non fluorescentes. Des protéines fluorescentes phototransformables ont été développées pour toute une série d'applications, mais surtout comme marqueurs pour la microscopie de fluorescence avancée, notamment la microscopie super-résolution. Elles y sont utilisées pour visualiser à haute résolution et/ou suivre en temps réel l'activité moléculaire dans les différents compartiments cellulaires. Les propriétés fluorescentes de ces marqueurs peuvent être modifiées par mutagenèse de résidus clés localisés à proximité du chromophore, l’entité fluorescente qui se trouve au cœur de la protéine. Actuellement, de nombreuses recherches visent à développer des protéines fluorescentes améliorées et moins sensibles aux conditions physico-chimiques auxquelles se trouvent confrontées ces protéines lorsqu’elles sont exprimées.
La conception rationnelle de marqueurs améliorés nécessite une bonne compréhension du fonctionnement de ces protéines fluorescentes à l'échelle de l'atome. Jusqu'à présent, la cristallographie aux rayons X a été la principale technique utilisée pour comprendre comment l’environnent chimique du chromophore affecte la photophysique des protéines fluorescentes. Or, les structures issues de la cristallographie manquent d’informations cruciales sur la dynamique conformationnelle, les états de protonation et les liaisons hydrogène du chromophore et des acides aminés situés à proximité, ainsi que leur dépendance aux conditions physicochimiques (pH, température, …). Des chercheurs de l’Irig démontrent dans une récente étude que la spectroscopie RMN en solution, couplée à un dispositif d’illumination
in situ, permet d’accéder à ces informations manquantes, améliorant ainsi la compréhension mécanistique du fonctionnement de ces marqueurs fluorescents. En étudiant rsFolder, une protéine fluorescente verte à commutation réversible qu’ils ont conçue il y a quelques années, les chercheurs ont identifié « la signature RMN » des quatre configurations distinctes de son chromophore
p-HBI, correspondant à deux isomères
cis et
trans, chacun étant soit protoné, soit déprotoné au niveau du cycle
benzylidène du
chromophore. Les populations relatives et les cinétiques d'interconversion de ces quatre états chromophoriques sont dépendantes du pH de l'échantillon et de la composition du tampon. Ceux-ci modifient en effet de manière complexe la force des liaisons hydrogène qui contribuent à stabiliser le chromophore dans l'échafaudage protéique. Les chercheurs démontrent également le rôle important que joue l'histidine en position 149 de la protéine pour stabiliser le chromophore dans sa configuration trans à certaines valeurs de pH.
Ces résultats pourront être exploités pour concevoir et tester de nouveaux variants phototransformables plus robustes face aux changements de l’environnement cellulaire local. Ce travail introduit également la spectroscopie RMN dans le domaine de la recherche sur les protéines fluorescentes en tant que nouvel outil pour sonder les populations et la dynamique des différentes conformations du chromophore en fonction d’une variété de conditions physiologiquement pertinentes.
Les préfixes
cis et
trans servent à préciser la configuration géométrique d'une molécule en spécifiant si, par rapport à la chaine principale de la molécule décrite, les principaux groupes fonctionnels sont situés du même côté (cis) ou au contraire de part et d'autre (trans).
Un grand nombre de protéines fluorescentes commutables de manière réversible ont été conçues à partir de séquences de protéines fluorescentes d'hydrozoaires et d'anthozoaires. Toutes ces protéines ont en commun un repli en barillet β à 11 brins, renfermant un
chromophore endogène 4-(p-hydroxybenzylidène)-5-imidazolinone (p-HBI).