Pour comprendre pourquoi une cellule se divise, sécrète des hormones ou transmet un signal à une autre cellule, les biologistes ont souvent recours à une astuce. Ils fixent des sources de lumière de couleurs variées aux protéines qui les intéressent, afin de pouvoir suivre au microscope les mouvements et les interactions de ces protéines dans les cellules vivantes. Plus il y a de couleurs disponibles pour ces lumières, le plus de processus il est possible de suivre en même temps.
Dans les années 1990, des scientifiques ont utilisé pour la première fois une protéine fluorescente comme marqueur coloré dans une cellule. Cette protéine, émettant dans le vert, provenait d'une méduse bioluminescente. En modifiant cette protéine, des variant émettant dans le bleu, le cyan et le jaune ont suivi. Dans les années 2000, une protéine fluorescente rouge a été découverte dans les coraux. Mais rendre cette protéine utilisable pour la recherche cellulaire s'est avéré beaucoup plus difficile.
Création de mScarlet3 En 2016, l'équipe du biologiste Dorus Gadella de l'Université d'Amsterdam a réussi à créer une nouvelle protéine fluorescente rouge brillante qui a permis de faire un pas de géant. Ils ont baptisé cette protéine mScarlet. Leur protéine rouge fluorescente a été rapidement adoptée par le monde scientifique. L'ADN codant pour mScarlet a été demandé environ 3 400 fois et est maintenant utilisé en biologie cellulaire dans presque tous les pays du monde.
Malheureusement, dans les cellules de mammifères, la protéine mScarlet s'est avérée se replier plus lentement et moins efficacement que les protéines fluorescentes vertes couramment utilisées, ce qui fait que sa brillance n'est pas optimale dans ces cellules. L'équipe a donc continué à travailler sur la protéine et a essayé d'accélérer et de maximiser son repliement. Ils ont utilisé deux variants de mScarlet qu'ils avaient déjà développés, l'un présentant un repliement rapide mais une brillance plus faible et l’autre ayant un repliement lent mais une forte fluorescence. Ils ont essayé de combiner les propriétés recherchées de ces deux variants dans une nouvelle protéine. À l'aide d'un certain nombre de modifications ciblées de la structure de la protéine, ils y sont parvenus, ce qui a donné naissance à mScarlet3. Ce nouveau variant combine désormais une brillance maximale avec un repliement rapide et efficace.
Enfin, pour tester la structure de mScarlet3, les biologistes ont envoyé leur création à l'Institut de biologie structurale de Grenoble (CNRS, CEA, Université Grenoble Alpes). L’équipe d’Antoine Royant, chercheur en biologie structurale, y a utilisé le synchrotron européen ESRF, la source de rayons X la plus brillante au monde, pour cartographier la structure moléculaire de la protéine. Royant : «
Il s'est avéré que mScarlet3 est à ce point brillante en raison de la présence dans la protéine d'un élément de structure hydrophobe, qui accélère et améliore le repliement de la protéine ».
Nouveau standard Avec cette nouvelle version nettement améliorée de la protéine fluorescente rouge, la boîte à outils dont disposent les scientifiques est désormais plus complète que jamais. Gadella : «
Les expériences avec mScarlet étaient déjà très satisfaisantes, c'est pourquoi nous nous attendons à ce que mScarlet3 devienne encore plus populaire parmi les chercheurs et s'impose rapidement comme le nouveau standard dans le monde entier. Les protéines fluorescentes rouge brillantes sont très recherchées car leur excitation est moins nocive pour les cellules que l'excitation des protéines fluorescentes vertes. En outre, la lumière rouge est moins diffusée, ce qui signifie que vous pouvez également utiliser le microscope pour observer les processus moléculaires dans des couches cellulaires plus profondes. Avec mScarlet3, nous disposons enfin d'une protéine fluorescente rouge brillante très robuste, qui se replie rapidement et efficacement sans inconvénient supplémentaire. Nous attendons beaucoup des nouvelles applications de mScarlet3, y compris la fabrication de nouveaux biocapteurs fluorescents rouges où mScarlet3 pourra être utilisée pour imager des fonctions cellulaires spécifiques ».
Structure du chomophore de mScarlet3 déterminée par cristallographie aux rayons X. © A.Royant | | La fluorescence de mScarlet3 permet la visualisation de la polymérisation des microtubules d’une cellule HeLa. © T.W.J.Gadella
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Antoine Royant est responsable du groupe Synchrotron de l'IBS dans lequel Sylvain Aumonier et Jérôme Dupuy sont chercheurs.