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Fait marquant | Spintronique

La spintronique mise sur le biface Janus SPtSe


Un nouveau matériau biface Janus SPtSe a été conçu par les chercheurs de l’Irig pour des applications potentielles dans le domaine des mémoires magnétiques et ferroélectriques. Ce matériau bidimensionnel fait partie de de la famille des dichalcogénures (atomes de S, Se ou Te) de métaux de transition (TMDC), qui sont recherchés pour leurs propriétés électroniques, photoniques, catalytiques ou magnétiques, intimement liées aux détails de leur structure 2D.

Publié le 10 juin 2021
La problématique in fine de cette recherche est d’intensifier le couplage spin-orbite de Rashba dans les TMDC, couplage qui génère une accumulation de spin à partir d’un simple courant de charge circulant dans le matériau (Figure 1). Les spins qui s’accumulent dans la couche vont pouvoir diffuser pour former un courant de spins qui va être absorbé par une couche magnétique en contact avec le TMDC, ce qui entraîne l’inversement de l’aimantation de cette couche. Grâce au couplage spin-orbite de Rashba, l’application d’un courant électrique permet d’orienter l’aimantation de la couche magnétique et ainsi d’écrire un bit d’information « 0 » ou « 1 ». Plus le couplage Rashba est fort, plus le courant de spin généré est intense et permet de renverser facilement l'aimantation de la couche, et donc de limiter la consommation d’énergie de ce type de mémoires magnétiques.

Figure 1. Effet du couplage spin-orbite de Rashba dans une couche de TMDC et écriture de la couche magnétique.

Intrinsèquement, le TMDC PtSe2 possède une forte interaction spin-orbite (grâce aux atomes lourds de platine). Cependant, il résidait un problème majeur dans le choix de ce matériau à cause de sa structure symétrique verticale qui limite le couplage Rashba. En effet, SePtSe est composé de deux couches identiques de chalcogène Se enveloppant une couche centrale de métal Pt (Figure 2, en bas à gauche). Les chercheurs de l’Irig ont réussi à lever cet obstacle en substituant les atomes de Se dans la couche supérieure, au moyen d’une sulfuration contrôlée sous atmosphère de H2S, pour en faire un matériau bidimensionnel asymétrique, dit Janus S/Pt/Se (Figure 2, en bas à droite). Ce nouveau matériau présente un fort couplage Rashba.

Figure 2. Schéma de la transformation de PtSe2 en SPtSe.
Atomes : Pt en bleu, Se en orange, S en jaune.

Afin de former le Janus SPtSe, le matériau TMDC PtSe2 est d’abord chauffé à 370 °C pour générer des lacunes dans la couche supérieure. Cette couche est alors exposée à une température contrôlée de 350 °C sous atmosphère de H2S pour combler ces lacunes et obtenir la substitution du Se par S. En refroidissant, le nouveau composé 2D se réordonne. Il est évidemment nécessaire de maîtriser parfaitement les étapes de formation des couches d’atomes S, Pt, et Se afin d’exploiter au mieux les propriétés du Janus SPtSe du point de vue de la spintronique. Ces étapes ont été étudiées grâce aux moyens spécifiques de caractérisation qui existent au sein de l’Irig. Les étapes de formation du composé Janus ont ainsi été méthodiquement caractérisées in situ et operando par diffraction des rayons X synchrotron en incidence rasante à l’ESRF. La composition atomique biface Janus a, elle, été vérifiée ex situ par spectroscopie de photoémission des rayons X résolue en angle.

Ce composé Janus est une première réalisation expérimentale dont le fort couplage spin-orbite de Rashba pourrait améliorer l’efficacité en écriture des mémoires magnétiques à couple de spin de type SOT-MRAM et ainsi limiter la consommation d’énergie nécessaire.



Janus. La référence au Dieu grec à deux faces Janus est due à la structure typique du matériau dans lequel les deux couches de chalcogène (S et Se) autour de la couche de Pt ont une nature chimique différente.

Couplage spin-orbite de Rashba. Cet effet relativiste, dans lequel un champ électrique est ressenti comme un champ magnétique par le couplage spin-orbite, permet de générer un courant de spin à partir d'un courant de charge. Il permet en quelque sorte de trier dynamiquement les spins (up et down) dans le matériau. Par exemple, dans le SPtSe, la rupture de symétrie par rapport au plan d'atomes de platine crée un dipôle électrique vertical. Le champ électrique ainsi créé, couplé au platine qui est un élément lourd, génère un fort couplage spin-orbite de Rashba. De cette façon, une telle monocouche pourrait servir dans une mémoire magnétique de type SOT-MRAM (Spin-Orbit Torque Magnetic Random-Access Memory) pour l'écriture de la couche magnétique de stockage.

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