Le Cern va augmenter la luminosité (nombre de collisions) des faisceaux du grand collisionneur circulaire à hadron (LHC) à partir de 2025 (projet
High-Luminosity HL-LHC) pour étudier plus finement le boson de Higgs. Le Département des Systèmes Basses Températures (D-SBT) de l’Irig collabore avec le Cern pour concevoir et tester un échangeur Hélium-Hélium compact destiné au refroidissement à 1,8K de nouveaux aimants supra-conducteurs. En effet l’augmentation de la luminosité des faisceaux ne sera possible qu’avec la modification de composants clef comme les aimants supra-conducteurs positionnés à proximité des détecteurs de particules qui devront produire des champs magnétiques plus élevés. Le remplacement de ces aimants proches des zones de collision du HL-LHC oblige à revoir leur système de refroidissement tout en respectant l’espace alloué restreint.
Pour mener à bien ces travaux, le D-SBT s’est appuyé sur son expertise reconnue dans le refroidissement en
hélium superfluide ou
Hell. Depuis près de 45 ans, le DSBT conçoit et fournit des solutions de refroidissement à 1,8K pour les aimants supraconducteurs à haut champ (Tore Supra, LHC).
C’est dans ce contexte que le DSBT a proposé de refroidir l’aimant de recombinaison D2 (un des aimants impliqués)
via un échangeur multi tubulaire compact (
Figure 1).
Figure 1 : Vue interne du prototype d’échangeur multi tubulaire en cuivre inséré dans la cellule de test.
Pour éviter qu’un film de vapeur se forme dans le bain d’Hell de l’aimant à refroidir (que l’on pourrait comparer aux crayons d’une centrale nucléaire), ce bain est pressurisé. Il est ensuite refroidi à l’aide d’un second bain d’Hell saturé, l’équivalent du circuit secondaire des centrales nucléaires. L’échangeur de chaleur constitué d’un faisceau de tubes en cuivre réalise l’interface entre ces deux bains. Pour optimiser les dimensions de cet échangeur et respecter les contraintes fortes d’intégration, les chercheurs du DSBT ont réalisé la modélisation des échanges thermiques en tenant compte des propriétés spécifiques de l’Hell et des matériaux à basses températures. En plus de ces calculs thermiques, ils ont sélectionné la soudure par faisceau d’électron des assemblages cuivre-inox pour fiabiliser le comportement de l’échangeur qui sera amené à fonctionner à très basse température pendant plus de 20 ans. Dès sa réalisation, le prototype de cet échangeur a été équipé d’une cellule de test simulant l’aimant D2 à refroidir. Il a ensuite été installé dans le Cryostat Multi-Test de la Station 400W@1,8K du DSBT où des mesures de performances thermiques à très basse température ont été réalisées et ont confirmé les simulations initiales (Figure 2).
Figure 2 : Différence de température de chaque côté de l'échangeur thermique en fonction de la puissance à extraire Comparaison à 1,8K entre les mesures expérimentales et les simulations initiales.
Ce premier système est une prouesse technique en termes de compacité et de performance. Aussi, à l’issue de ces tests, l’échangeur prototype conçu par le DSBT a été qualifié pour le projet HL-LHC. Le Cern souhaite désormais confier au DSBT l’optimisation, puis l’industrialisation et les tests à froid des échangeurs de série en vue de leurs installations dans les aimants supraconducteurs puis dans le tunnel du LHC d’ici 2022.
Un
hadron est une particule composite, composée de particules subatomiques régies par des interactions fortes. Par exemple, les protons ou les neutrons sont des hadrons.
L’hélium devient
superfluide ou
Hell, en dessous de 2,17K. Il présente alors des propriétés très différentes d’un fluide classique. Ainsi, l’Hell présente une conductivité thermique très importante, utile pour refroidir efficacement les aimants supraconducteurs.