Cette découverte est publiée dans
Science le 09/04/2021.
Les chercheurs ont décrypté les mécanismes de fonctionnement de la FAP – pour
Fatty Acid Photodecarboxylase - naturellement présente dans des algues microscopiques comme la chlorelle. Cette enzyme avait été identifiée en 2017 comme capable, à l’aide de l’énergie lumineuse, de former des hydrocarbures à partir d’acides gras produits par ces microalgues. Pour aboutir à ce nouveau résultat, les équipes de recherche ont mobilisé une panoplie expérimentale et théorique complète.
Comprendre le fonctionnement de la FAP est primordial car cette photoenzyme représente une nouvelle opportunité pour la production durable de biocarburants à partir d’acides gras naturellement produits par des organismes vivants. La FAP est également très prometteuse pour produire des composés à haute valeur ajoutée pour la chimie fine, la cosmétique ou la pharmacie.
Enfin, en raison du déclenchement de leur réaction par la lumière, les photoenzymes donnent accès à des phénomènes ultrarapides se déroulant au cours des réactions enzymatiques. La FAP représentait donc aussi une opportunité unique pour comprendre en détail une réaction chimique se déroulant au sein du vivant.
Plus précisément, dans ce travail, les chercheurs montrent que lorsque la FAP est éclairée et absorbe un photon, un électron est arraché en 300 picosecondes à l’acide gras produit par les algues. Cet acide gras est alors dissocié en précurseur d'hydrocarbure et en dioxyde de carbone (CO
2). La majorité de ce dernier est ensuite transformée en bicarbonate (HCO
3-) en 100 nanosecondes. Cette activité utilise de la lumière, mais n’empêche pas la photosynthèse : la molécule de flavine intégrée à la FAP, qui absorbe le photon, est courbée. Cette conformation déplace le spectre d’absorption de la molécule vers le rouge, de sorte qu'elle utilise des photons non exploités pour l’activité photosynthétique de la microalgue.
C’est l’interprétation combinée des résultats de diverses approches expérimentales et théoriques par le consortium international qui donne une image détaillée, à l'échelle atomique, de la FAP à l'œuvre. L’étude pluridisciplinaire a combiné des travaux en bioingénierie, des spectroscopies optique et vibrationnelle, des cristallographies statique et cinétique réalisées avec des synchrotrons ou un laser à électrons libres à rayons X ainsi que des calculs de chimie quantique.
En France [1], cette étude a ainsi mobilisé des chercheurs issus de l’Institut biosciences et biotechnologie d'Aix-Marseille (CEA - CNRS - Aix-Marseille Université), de l’Institut de biologie structurale (CEA - CNRS - Université Grenoble Alpes), du Laboratoire d'optique et biosciences (CNRS - École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris - Inserm), du Laboratoire avancé de spectroscopie pour les interactions, la réactivité et l'environnement (CNRS - Université de Lille), de l’Institut de biologie intégrative de la cellule (CEA - CNRS - Université Paris-Saclay), du synchrotron SOLEIL ainsi que du Synchrotron Européen (ESRF) et de l'Institut Laue Langevin (ILL), deux grands instruments européens implantés à Grenoble. Elle a bénéficié d’un financement de l’Agence nationale de la recherche.
[1] Cette étude a aussi mobilisé des chercheurs de l'Institut Max-Planck de Heidelberg (Allemagne), du l'Université d'État de Moscou (Russie) et du Laboratoire National d'Accélérateur SLAC (États-Unis).