C’est un océan blanc situé bien au-dessus du niveau de la mer, où la vie, invisible à l’œil nu, fourmille. Seuls les randonneurs qui parcourent les montagnes à la fin du printemps la devinent lorsqu’ils rencontrent des étendues de neige étonnamment teintées de nuances d’ocre, d’orange, de rouge. Surnommée « sang des glaciers », cette coloration est le résultat de la forte multiplication ponctuelle (ou bloom) de micro-algues qui habitent la neige.
Mais ce phénomène impressionnant mis à part, les détails de la vie et de l’organisation des communautés de micro-algues des montagnes restent secrets. C’est un écosystème encore méconnu, maintenant menacé par le réchauffement climatique, qui doit être exploré. Le consortium Alpalga [1] a pour objectif de répondre à ce défi en organisant et en mutualisant les efforts de recherche sur les micro-algues des neiges. Celui-ci a déjà reçu le soutien de l’Agence nationale de la recherche et de la
Kilian Jornet Foundation.
Dans une première étude ayant impliqué trois laboratoires [2] du consortium, des chercheurs et chercheuses ont établi la première carte de répartition en altitude des micro-algues des neiges. En effet, à la manière de l’étagement de la végétation que l’on peut observer en montagne, les différentes espèces d’algues résident à différentes altitudes. En particulier, le genre Sanguina qui donne une couleur rouge caractéristique aux neiges, n’a été retrouvé qu’à partir de 2000 mètres d'altitude. Les micro-algues vertes Symbiochloris, quant à elles, ne vivent qu’aux altitudes inférieures à 1500 mètres.
Obtenus en prélevant de l’ADN sur cinq sites alpins, ces résultats formeront les fondations sur lesquelles Alpalga bâtira ses travaux. Les scientifiques tenteront de répondre à des questions fondamentales comme : quelles sont toutes les espèces de micro-algues peuplant la neige ? Comment ces organismes résistent-ils à des conditions de température et d’ensoleillement aussi extrêmes ? Le réchauffement climatique favorise-t-il les blooms ? Quel est l’effet des blooms sur la fonte des neiges ? Avec l’objectif d’étudier cet écosystème en cours de transformation pour le faire connaître et le protéger.
[1] Le consortium regroupe des chercheurs et chercheuses du Laboratoire de physiologie cellulaire et végétale (CNRS/CEA/INRAE/Université Grenoble Alpes), du Laboratoire d'écologie alpine (CNRS-UGA-Université Savoie Mont Blanc), du Jardin du Lautaret : découverte et sciences (CNRS-UGA), de l’Institut des géosciences de l'environnement (CNRS-IRD-UGA) et du Centre d’étude de la neige du Centre national de recherches météorologiques (Météo-France et CNRS).
[2] Le Laboratoire physiologie cellulaire & végétale (CNRS-CEA-INRAE-Université Grenoble Alpes), le Laboratoire d'écologie alpine (CNRS-UGA-USMB) et le Jardin du Lautaret : découverte et sciences (CNRS-UGA).