La quête du savoir et l’ambition de résoudre les mystères qui nous entourent impliquent de développer des instruments à la pointe de la technologie dans de nombreux domaines. Cela est particulièrement vrai en astrophysique, où les signaux ténus qui nous parviennent de différentes sources dans l’espace nécessitent l'utilisation de dispositifs extrêmement sensibles. À cet égard, la cryogénie et l'utilisation de détecteurs fonctionnant aux basses températures sont souvent essentielles à la réalisation des objectifs scientifiques, offrant des performances inégalées. Il existe ainsi une demande croissante pour des refroidisseurs capables de fournir des températures inférieures à 1 K.
Le fond diffus cosmologique (FDC), plus connu sous son acronyme anglais CMB, est un rayonnement fossile émis 380 000 ans après le Big Bang, au moment de la recombinaison, lorsque l'Univers est devenu transparent à la lumière. C’est un corps noir uniforme presque parfait à 2,7 K, avec une anisotropie (variation) de température d’environ 0,1 mK et une polarisation de l'ordre du microkelvin, pour une échelle angulaire d’un degré. Son observation et en particulier la quête des ondes gravitationnelles, mobilise de nombreuses équipes à travers le monde. En effet l'anisotropie de température et la polarisation du CMB sont des signatures fortes pour comprendre l'Univers primitif. Les cosmologistes supposent que l'Univers a connu une période rapide d'inflation cosmique au cours de sa première fraction de seconde, se développant de façon exponentielle à partir d'un volume subatomique chaud et dense. De nombreux modèles d'inflation prédisent que cette accélération rapide aurait généré des ondes gravitationnelles qui seraient restées suffisamment énergétiques 380 000 ans plus tard pour laisser une empreinte sur le CMB. C’est précisément cette empreinte que le projet
BICEP Array cherche à mesurer.
Depuis de nombreuses années, le Département des Systèmes Basses Températures (D-SBT) de notre institut collabore sur cette thématique avec le
Caltech et le
JPL NASA. Il a ainsi fourni une dizaine de cryoréfrigérateurs sub-kelvin pour une succession de projets. le D-SBT dispose d’un héritage solide dans le développement de ce type de refroidisseurs, en particulier pour des sites isolés en environnement hostile, pour lesquels la contrainte de fiabilité prend une importance marquée. Pour ce nouveau projet
BICEP Array, DSBT a développé une série de 5 cryoréfrigérateurs sub-kelvin tri-étagés permettant de refroidir des détecteurs à des températures inférieures à 300 mK. Ces systèmes utilisent des pompes à adsorption et un procédé de refroidissement par évaporation d’hélium 4 et 3, permettant d’extraire de la puissance frigorifique à des températures de 220, 280 mK et 1,2 K. Outre les détecteurs, ces niveaux de température sont utilisés pour intercepter les charges parasites, refroidir des filtres et des écrans magnétiques. Complètement autonomes et sans consommables, ils sont la dernière brique d’une chaîne cryogénique constituée dans sa partie supérieure par un tube à gaz pulsé basse fréquence bi-étagé délivrant de la puissance frigorifique à des températures de 45 et 4 K environ.
Un défi notable pour ce projet concernait les masses importantes à refroidir (26 kg à T < 300 mK) et donc la réduction des temps de refroidissement associés. Différents liens actifs et passifs ont ainsi été intégrés à la machine pour les limiter. Les essais sur site permettront de confirmer la validité des solutions choisies.
La première de ces machines a d’ores et déjà été déployée sur la base Amundsen-Scott en Antarctique où elle est en cours de tests. Trois autres, également livrées, suivront. La dernière machine, dont l’envoi est prévu dans les semaines à venir, demeurera au Caltech en Californie pour servir de banc de test.
Cryoréfrigérateur sub-kelvin tri-étagés du projet BICEP Array.
BICEP Array est un projet porté par de multiples partenaires essentiellement localisés en Amérique du Nord (Harvard, Stanford, Jet Propulsion Laboratory (JPL NASA), California Institute of Technology (Caltech), NIST, Toronto, etc.)