L’incidence des maladies et les risques associés aux agents pathogènes transmis par les moustiques, comme le parasite Plasmodium faliciparum (agent de la malaria), les virus de la Dengue, Zika, Chikungunya, du Nil Occidental (West Nile) ou de la fièvre de la Vallée du Rift, croissent dans le monde entier. L’emploi d’insecticides reste la méthode la plus utilisée pour le contrôle des populations de moustiques mais la résistance aux différentes classes de pesticides actuellement employées est largement répandue. Dans ce contexte, de nouveaux outils pour contrôler la transmission des agents pathogènes dans des populations naturelles de moustiques basés sur l’utilisation de leurs bactéries, comme Wolbachia, se développent à travers le monde.
La bactérie endosymbiotique Wolbachia, présente chez plus de 70% des insectes, est capable d’agir sur leur reproduction, et de réduire la transmission des agents pathogènes chez de nombreuses espèces de moustiques (par exemple Aedes aegypti et Anopheles gambiae). Elle est actuellement utilisée par des grands programmes de lutte biologique anti-vectorielle, comme le programme mondial ‘Eliminate Dengue’. Toutefois, les mécanismes moléculaires d’interactions entre Wolbachia, l’insecte et les agents pathogènes restent encore mal connus.
Une méthode innovante d’analyse du génome de Wolbachia développée à l’échelle de l’individu
Dans le but de mieux comprendre le rôle de la bactérie endosymbiotique dans la transmission des agents pathogènes et de disséquer les mécanismes moléculaires sous-jacents, une équipe internationale associant des scientifiques de l’Inra, du Cirad, du CEA, des Universités de Montpellier, Chicago et Vanderbilt ont réalisé des analyses métagénomiques2 de moustiques qui ont permis de reconstruire les génomes de la bactérie Wolbachia par une approche innovante. En effet, pour la première fois, ils ont obtenu des séquences de Wolbachia à partir d’ovaires de Culex pipiens collectés en France en travaillant à l’échelle de l’individu, et non de pools de moustiques, comme réalisé dans les méthodes classiques. Cette approche nouvelle a permis d’identifier de nouveaux aspects du génome de la bactérie endosymbiotique Wolbachia et de ses éléments génétiques mobiles.
Un plasmide trouvé pour la première fois chez Wolbachia
Les analyses effectuées à partir de données de séquençage ‘short et long reads’ ont permis d’identifier un ADN circulaire, extrachromosomique, encore inconnu chez Wolbachia, nommé pWCP (Plasmid of Wolbachia in Culex pipiens). Cet anneau d’ADN possède 14 gènes et apparaît comme présent en plusieurs copies dans la bactérie, en plus de son chromosome. La recherche de pWCP a postériori, à partir de données publiées précédemment a permis de confirmer sa présence à plus large échelle dans des spécimens de Culex pipiens collectés en Afrique du Nord.
La découverte de cet ADN de type plasmidique chez Wolbachia grâce à des nouvelles approches de metagénomique permettra le développement d’un nouvel outil d’ingénierie génétique de cette bactérie. Cette découverte permettra d’acquérir de nouvelles connaissances génériques sur les mécanismes d’interactions entre la bactérie, l’insecte et les agents pathogènes qu’il transmet et plus précisément sur les mécanismes par lesquels la bactérie régule la transmission de ces agents pathogènes. Ces connaissances auront des applications directes pour la lutte biologique contre les insectes vecteurs d’agents pathogènes responsables de maladies d’importance en santé animale et humaine.