Alors que le séquençage du génome entier se déploie actuellement en diagnostic dans différents pays et que la France vient de lancer le Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG2025)[1] , son utilisation en urgence en période néonatale reste encore peu répandue. Pourtant, la rapidité de réalisation de l’examen génétique est un facteur crucial lorsqu’un diagnostic est requis en urgence, situation fréquente en ce qui concerne les maladies rares à révélation pédiatrique précoce ou à progression rapide. Les équipes de CHU Dijon-Bourgogne, de l’Inserm et du CEA ont mené une étude pilote de faisabilité du séquençage haut débit de génome en urgence avant d’envisager un tel processus à l’avenir dans le cadre du PFMG2025.
Dans le cadre de cette étude pilote, Fastgenomics[2], une trentaine d’enfants hospitalisés en réanimation néonatale dans huit CHU de la filière AnDDI-rares[3] a bénéficié, au cours des neuf derniers mois, d’une analyse génomique en urgence. Le séquençage haut débit du génome des enfants et de leurs parents et une analyse bioinformatique primaire ont été effectués sur la plateforme de production de séquences du Centre national de recherche en génomique humaine (CEA-CNRGH), en collaboration avec le Très Grand Centre de Calcul (TGCC) du CEA et au centre de calcul de l’Université de Bourgogne (CCuB). L’interprétation des données génomiques a été réalisée par la Fédération Hospitalo-Universitaire (FHU) TRANSLAD, en collaboration étroite avec l’équipe de recherche Inserm U1231 GAD. La mobilisation des équipes a permis de rendre les résultats d’analyse dans un délai de 49 jours, allant au plus vite à 38 jours. Ce délai est particulièrement court pour un diagnostic génétique. En effet, malgré des évolutions importantes, le délai moyen d’obtention d’un diagnostic génétique en France reste actuellement encore long : de 1,5 an en moyenne, et jusqu’à 5 ans pour 25 % des patients. L’analyse rapide des génomes de ces nouveau-nés a permis de poser un diagnostic pour deux tiers d’entre eux, un tiers ayant pu bénéficier d’une prise en charge plus rapide et mieux adaptée.
Ces analyses rapides du génome ont été rendues possibles grâce aux avancées majeures dans le séquençage haut débit de l’ensemble des gènes. Les technologies de nouvelle génération de séquençage haut débit de l’ADN, qui permettent l’étude de l’ensemble du génome d’un individu, sont apparues ces dernières années comme un outil de choix pour l’étude des maladies rares. Ces technologies de pointe sont déployées au CNRGH et ont déjà permis d’impliquer de nombreux gènes dans de nombreuses maladies. L’équipe de la FHU TRANSLAD du CHU Dijon-Bourgogne a été l’une des premières en France à démontrer l’intérêt du séquençage de l'exome (représentant 1% de la taille totale du génome) dans le diagnostic de pathologies sévères à révélation pédiatrique précoce, des anomalies du développement et de la déficience intellectuelle.
Le diagnostic des maladies rares en période néonatale
Les maladies rares (touchant moins d’une personne sur 2 000) constituent un enjeu majeur de santé publique car elles représentent environ 8 000 maladies et touchent plus de 3 millions de personnes en France. Majoritairement de révélation pédiatrique, elles sont responsables de 10 % des décès avant l’âge de 5 ans. Jusqu'à 80 % de ces maladies seraient d'origine génétique. L’établissement d’un diagnostic apporte de nombreux bénéfices aux patients et à leurs familles : clarifier la cause, proposer un pronostic plus précis, accéder à un traitement ou à des protocoles d’essais thérapeutiques, établir les risques de récurrence, éviter la redondance de nombreux autres tests diagnostiques, prévenir des futures complications connues, faciliter l’obtention d’aides spécifiques aux familles, et parfois de se mettre en lien avec d’autres familles affectées par la même pathologie.
L’obtention d’un diagnostic est un défi de taille pour des pathologies à révélation pédiatrique précoce et à évolution rapide, dont les causes génétiques sont très hétérogènes, telles que les épilepsies, les maladies du métabolisme, les cardiopathies, les pathologies musculo-squelettiques ou autres syndromes polymalformatifs. En effet, le diagnostic, posé précisément, permettrait
de modifier la prise en charge de l’enfant, qu’il s’agisse d’une
adaptation thérapeutique (par exemple dans le cas de maladies
métaboliques ou d’épilepsies), de l’adressage à un spécialiste de la
pathologie, d’une adaptation diététique, de la réalisation d’examens
complémentaires, et/ou de la réévaluation d’indication chirurgicale,
voire de la prise en compte de ce résultat dans une discussion de
poursuite des soins.
Le Plan National Maladies Rares 3 (PNMR3) prévoit de réduire l’errance diagnostique à une année, car elle est responsable d’ « une aggravation possible de l’état des malades, un retard sur les possibilités de conseil génétique et un gaspillage de ressources médicales (multiplicité des consultations diagnostiques) ».