Si l’industrie nucléaire française est déjà très mature - avec un parc de 58 réacteurs produisant aujourd’hui plus de 75% de l’électricité française et une maîtrise de l’ensemble du cycle du combustible – elle est toutefois confrontée à des enjeux en termes de compétitivité, de disponibilité, de sûreté, de raréfaction de la ressource ou encore de gestion des déchets, enjeux qui imposent de poursuivre sur la voie de l’innovation technologique. C’est l’un des objectifs essentiels de la Direction de l’énergie nucléaire du CEA. Rencontre avec son directeur, Christophe Béhar.
En quoi l’innovation est-elle au cœur des missions de la direction de l’Énergie nucléaire du CEA ?
Notre objectif est de contribuer au développement d’un nucléaire durable, sûr et économiquement compétitif en apportant aux pouvoirs publics et aux industriels les éléments d’expertise et d’innovation sur les systèmes de production d’énergie nucléaire. Nous conduisons ainsi nos travaux selon deux axes majeurs : le développement des systèmes nucléaires du futur, dits de 4e génération – réacteurs et cycle du combustible associé – et le soutien à l’industrie nucléaire actuelle.
Quels sont les programmes du CEA sur ces deux axes majeurs de R&D ?
Pour le futur, nous sommes chargés de mener les recherches sur des systèmes nucléaires innovants, dits de 4e génération. Nous concentrons nos recherches sur deux filières de réacteurs, toutes deux à neutrons rapides : une filière refroidie au gaz, qui apparaît comme une option à long terme dont la faisabilité n’est pas encore démontrée ; et une filière refroidie au sodium, avec le projet de démonstrateur technologique Astrid (Advanced Sodium
Technological Reactor for Industrial Demonstration) dont nous sommes maître d’ouvrage pour les études.
Quant à nos actions en soutien à l’industrie nucléaire actuelle, elles concernent d’une part le parc de réacteurs, principalement au profit d’EDF avec qui nous travaillons sur les volets de la sûreté, de l’augmentation de la durée de fonctionnement et de l’amélioration des performances des centrales. Elles concernent par ailleurs les usines du cycle, en lien avec Areva.
Le cycle du combustible est justement un domaine dans lequel l’apport du CEA est essentiel…
En effet, la France a fait le choix pour son industrie nucléaire d’un cycle fermé, qui consiste à traiter les combustibles usés pour séparer les matières valorisables (uranium et plutonium) des déchets et il faut savoir que la Direction de l'énergie nucléaire du CEA est à l’origine de la mise en place industrielle à La Hague de toute la chaîne des procédés associés. Aujourd’hui, nous intervenons d’une part, en soutien à Areva, pour améliorer les procédés actuellement mis en œuvre tant pour l’amont que pour l’aval du cycle (il s’agit par exemple d’augmenter les performances des procédés ou de diminuer leur impact environnemental) et d’autre part pour préparer des options de gestion des matières, encore plus abouties, en lien avec nos études sur les systèmes nucléaires du futur.
Le CEA s’implique aussi dans le domaine de l’assainissement-démantèlement, quels en sont les enjeux ?
Il s’agit là d’un enjeu majeur pour l’industrie nucléaire : un enjeu en termes d’acceptabilité, mais aussi un enjeu technique et industriel. À travers les grands chantiers qu’il conduit, le CEA a acquis une expérience importante dans le domaine, aussi bien dans la maîtrise d’ouvrage des opérations, que des méthodologies et des savoir-faire nécessaires à leur réalisation. Nous développons aussi, tant pour nos besoins propres, qu’au profit de l’industrie, des techniques et des outils permettant de mener à bien ces travaux de manière optimale, notamment en améliorant la sûreté et en réduisant les délais, les coûts des opérations ainsi que les volumes de déchets.