La génération d'harmoniques d'ordres élevés, découverte au CEA en 1987 par Anne L'Huillier, Prix Nobel de physique en 2023, constitue le fondement de la science attoseconde qui étudie la dynamique des électrons dans la matière. Mais de quoi s'agit-il ?
Lorsqu'un atome est éclairé par un laser à haute intensité, ses électrons périphériques sont soumis au champ électrique de l'onde électromagnétique, beaucoup plus intense que le champ électrostatique du noyau.
- Le temps d'une demi-oscillation, ce champ éjecte hors de l'atome les électrons et leur communique une très grande vitesse.
- À la demi-oscillation suivante, le champ s'inverse et les électrons reviennent heurter avec une violence extrême le noyau, avec émission d'une impulsion de lumière, brève et très intense.
Ce phénomène se répétant à la fréquence double de l'onde laser, toutes les femtosecondes (10-15 s) typiquement, l'émission lumineuse est composée d'un train d'impulsions successives, dont chacune ne dure que quelques centaines d'attosecondes (1 as = 10-18 s). Le spectre associé est également un « peigne », composé de raies aux fréquences multiples de la fréquence de l'onde incidente (ses harmoniques).
Une génération d'harmoniques avec deux faisceaux laser
Dans une nouvelle expérience, des chercheurs de l'Iramis ont eu l'idée d'observer la génération d'harmoniques d'ordres élevés obtenue avec deux faisceaux laser (non colinéaires). Ils mettent ainsi en évidence des effets ouvrant la voie à une description en termes de processus photoniques, et donc corpusculaires, du phénomène.
- Les harmoniques sont chacune composées d'une série de faisceaux dispersés angulairement.
- Signature d'un processus interférentiel, ces faisceaux apparaissent puis disparaissent successivement quand l'angle entre les deux faisceaux générateurs ou leurs intensités relatives varient.
- Ces variations d'intensité impactent les harmoniques de manière étonnante : des pertes d'intensité sont relevées dans leur profil spatial a priori gaussien.
À partir de ces observations, les scientifiques peuvent désormais décrire la génération d'harmoniques d'ordres élevés, non seulement par la composition de n photons pour l'harmonique d'ordre n, comme l'impose la conservation de l'énergie, mais aussi en impliquant un ou plusieurs photons supplémentaires, successivement absorbés et réémis par émission stimulée. Ces « chemins photoniques » additionnels sont neutres sur le plan énergétique mais ils apparaissent nécessaires pour rendre compte de l'évolution de l'intensité des harmoniques en fonction de l'angle entre les faisceaux générateurs ou de leurs intensités relatives. Contre toute attente, ces processus d'ordre supérieur peuvent devenir les plus probables et donc, influencer fortement le rendement et le profil spatial des harmoniques.
Cette nouvelle description de la génération d'harmoniques d'ordres élevés en termes de photons ouvre la voie à de nouvelles expériences exploitant plus efficacement sa nature quantique.