330 outils en pierre, 1176 os d'hippopotames et deux molaires d'un proche parent de nos ancêtres : voici ce que des équipes conduites par le Smithsonian's National Museum of Natural History et les musées nationaux du Kenya ont mis au jour sur le site de Nyayanga. La datation de ce site exceptionnel, notamment par les experts du LSCE, donne une fourchette entre 3,0 et 2,6 millions d'années. Et elle interpelle les spécialistes de l'Oldowayen, nom de la première industrie lithique du paléolitihique inférieur découverte en Tanzanie en 1936 et estimée à 2,8 millions d'années.
Un des plus anciens exemples d'une innovation majeure de l'âge de pierre
Certes, des fouilles menées en 2011 sur un autre site kenyan présentaient des outils vieux de 3,3 millions d'années. Mais les lithiciens de la collaboration sont formels : ceux du site de Nyanyanga sont beaucoup plus sophistiqués ! Et les tracéologues, ces spécialistes de l'analyse microscopique des traces laissées par l'utilisation de ces objets, vont encore plus loin en découvrant qu'ils servaient à dépecer les animaux, écraser leur chair et broyer des végétaux. C'est la première fois pour des outils aussi vieux que ce type d'informations est obtenu, renseignant au passage sur le régime alimentaire de ces hominidés et la présence de prairies humides.
Les fouilles de Nyanyanga relancent le débat sur l'invention des outils en pierre, jusqu'alors attribuée au seul genre Homo, dont les plus anciens représentants sont datés autour de 2,8 millions d'années. Or, les deux molaires du genre Paranthropus retrouvées avec ces outils laisseraient envisager que ces hominidés, pourtant considérés comme primitifs, en soient à l'origine.
Si ces dents sont à ce jour les témoignages les plus anciens de Paranthropus, rien n'interdit des découvertes plus lointaines dans le temps ni dans l'espace. Raison pour laquelle les missions archéologiques se poursuivent dans cette région si riche en vestiges du paléolithique inférieur. Elles pourront compter sur les laboratoires de géochronologie du LSCE, spécialistes des datations radio-isotopiques et de paléomagnétisme. « Lorsque les sédiments se déposent au sol, ils peuvent contenir des cendres volcaniques avec des minéraux datables, et des minéraux ferreux qui enregistrent le champ magnétique terrestre de l'époque. Il se trouve que ses inversions successives, notamment entre 2 et 3 millions d'années, sont très bien documentées », indique Sébastien Nomade, physicien au LSCE, qui regrette toutefois l'absence de dépôts volcaniques qui auraient permis une datation encore plus précise. Ce qui n'est peut-être que partie remise car le chantier de fouilles réouvrira cette année.